EURO : Création d'apprentis-sorciers

 

" Euro, que d’encre versée en ton nom! " serions-nous tentés d’écrire... Et c’est loin d’être fini ! Le baptême du feu de la nouvelle monnaie européenne a commencé dans le registre tragi-comique, et pour tout dire lamentable, d’une confrontation franco-allemande. Mais tout ceci en définitive importe peu. L’essentiel , c’est ce que va entraîner pour les peuples d’Europe, l’entrée en vigueur de l’Euro. Si vous écoutez les innombrables spécialistes abondamment interrogés dans les media, il en ressort une cacophonie invraisemblable. Pour les uns, l’Euro est la panacée économique absolue, l’adjuvant indispensable pour l’Europe du XXIème siècle; pour les autres, l’Euro signifie le début d’un long processus de dépossession des Etats-Nations de leur souveraineté.

 

Souveraineté ?

 

Première question à se poser: l’Euro est-il une perte de souveraineté ? Théoriquement et pratiquement, cela semble évident. Désormais, la politique financière et, par extension budgétaire, se décidera au sein de la Banque Centrale Européenne, contrôlée superficiellement par un Conseil des Ministres Européens spécial. Les Etats disposeront encore d’une certaine marge de manoeuvre pour réagir à une crise " asymétrique " (ne touchant qu’un ou plusieurs pays) dans le fait qu’ils peuvent encore " creuser " le déficit budgétaire pour injecter des moyens pour redresser l’économie. Mais -3 % est la barre à ne pas franchir. On peut aussi s’inquiéter du fait que l’économie échappe ainsi au politique. C’est le monde à l’envers et le fameux primat de l’économie sur toute autre instance cher aux mondialistes. D’un autre côté, battre monnaie, s’il s’agit là d’une prérogative importante d’une nation et à laquelle est attachée une grande charge émotionnelle, n’est pas le sommet de la notion de souveraineté. On peut imaginer que dans le cadre d’une structure de type impériale, étendue à l’ensemble de l’Europe, une seule et unique monnaie circule, étant entendu que cette structure impériale, dont le passé fournit maints exemples, garantissent l’unité de l’Europe dans la diversité intangible des peuples qui la composent. Le magma étant aussi au pouvoir au niveau du Parlement Européen et du Conseil, nous ne devons nourrir aucune illusion quant aux arrières-pensées des forces politiques qui règnent aujourd’hui sur l’Europe. Elles veulent instaurer les Etats-Unis d’Europe et faire disparaître toute forme de souveraineté nationale au profit des instances supérieures européennes. Comme le prouve les milliers de directives, décisions, règlements européens adoptés depuis des décennies, Bruxelles, l’Européenne, uniformise les comportements politiques, économiques, sociaux et culturels et tisse une toile mortelle de laquelle les pays membres auront mille peine à s’extraire. Le modèle anglo-saxon ¾ dans ses aspects négatifs et non dans ses qualités ¾ s’impose et s’imposera toujours plus, phénomène mortifère qui n’épargne désormais plus aucun continent.

 

Apport économique ?

 

Indéniablement, l’Euro élimine une série de frais pesant sur les entreprises. Il donne également à l’Europe une force monétaire inégalée à l’échelle du monde face au dollar jusque là dominateur. Il élimine également la spéculation dévastatrice sur les monnaies. L’Euro recèle donc un potentiel de croissance intéressant mais qui ne peut être décisif à lui seul. Mais le tableau est plus contrasté qu’il n’y paraît. Le passage à l’Euro entraîne pour les petites et moyennes entreprises des frais importants. La productivité, calculée directement en Euro permet aussi de déceler rapidement les secteurs ou les pans de secteurs moins efficaces que d’autres. D’où la tentation de fermer rapidement les entreprises moins performantes. Par ailleurs, en cas de crise, de récession, la première variable d’ajustement risque d’être l’emploi. Il n’en n’était pas automatiquement ainsi avant l’Euro. L’inflation ne peut croître, le budget ne peut être creusé au-delà des 3 %; dès lors, la masse salariale est le seul secteur d’économies, avec les dépenses publiques. Conséquences: licenciements massifs et détricotage des droits sociaux. Et même s’il ne faut pas accabler la nouvelle monnaie de tous les maux, à tout le moins elle risque d’être impuissante face au rouleau compresseur du mondialisme économique où ne règne qu’un seul et unique critère : la profitabilité maximale des multinationales.

Notre position

 

Lutter contre l’Euro nous semble désormais un combat d’arrière-garde. Il faudra bien vivre temporairement avec lui, pour le meilleur et pour le pire. Car notre seul espace d’action pour corriger le tir est celui de la conquête du pouvoir, tant au niveau belge qu’européen. Un pays d’ Euroland  doit cependant posséder le droit de renoncer à l’Euro si les intérêts vitaux du peuple sont en danger. En outre, il est impératif qu’au Parlement européen siège une majorité de nationalistes qui pourront orienter de manière décisive la politique économique européenne. Laissons pour l’instant, faute de mieux, le bénéfice du doute à cette création de banquiers et de fédéralistes européens. Mais n’oublions jamais, que toujours l’intérêt de la nation, sa pérennité, doit primer sur d’éphémères apports économiques et sociaux en trompe-l’oeil.

Les puissances mercantiles qui nous régissent depuis des décennies ont toujours renoncé à la défense de la nation. Avec l’Euro, il serait étonnant qu’il en soit autrement.

 

Robert ERVIN

(Bastion n°25 de juin 1998)

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