Les Journées du Patrimoine : une excellente institution !

 

Comme chaque année, Régions et Communautés organisaient il y a quelques jours les Journées du Patrimoine. C'est l'occasion pour chacun de se ressourcer, en reprenant contact sous un œil nouveau avec notre commun patrimoine, dans lequel nous nous promenons journellement sans plus le regarder, tant nous en avons l'habitude. Eglises, châteaux ou demeures plus modestes, fermes, usines, ateliers, monuments, fontaines, palais de justice, villages entiers, autant de traces d'un passé qui nous est propre, qui nous est cher, qui est le cadre de vie dans lequel nos parents et ancêtres peinaient quotidiennement pour nous, leurs descendants, sans même se soucier si nous rendrions ou non justice à leur labeur. Il nous est donné chaque année, spécialement à l'occasion de ces journées, d'avoir une pensée pour eux, de nous rappeler ainsi que notre présent est le fruit de ce passé, que nous avons une dette envers lui et que la seule manière de nous en acquitter est simplement, à notre tour, de penser à nos enfants et aux enfants qu'ils auront, en oeuvrant à maintenir ce commun héritage, et autant que nous le pouvons, de l'enrichir à notre tour par notre labeur…

Les Journées du Patrimoine nous rappellent qu'il n'est de présent sans passé, et que par notre présent nous créons l'avenir; elles nous réveillent à certaines vérités essentielles…La notion de Patrimoine appelle ainsi la notion d'héritage. Les Journées du patrimoine concernent l'héritage de tout un peuple, ce qui nous ramène à la notion d'identité et au sentiment identitaire d'un peuple.

 

Que serions-nous sans le labeur de nos ancêtres? A quoi ressemblerait notre environnement? Cela nous amène à la question: comment vit-on dans un environnement créé de toutes pièces, sans filiation aucune avec un passé? Un tel environnement engendre le mal-être, la dépression ou bien le stress, la recherche de paradis artificiels, la délinquance, le suicide… Car un tel environnement n'est pas naturel, et il n'est de bien-être en dehors d'un cadre naturel; cela vaut pour tout être humain. Chaque être humain a le droit de vivre dans un cadre naturel, et cela veut dire dans un environnement où il peut créer son présent par référence à un passé, celui de ses pères et ancêtres. Et ceci nous montre que la vision mondialiste est factice et non viable, qui déracine les gens loin de leur cadre naturel de référence, de leurs points de repère fondamentaux, pour s'étonner ensuite qu'ils soient mal dans leur peau, nostalgiques de leurs racines perdues, ainsi que cela se manifeste dans des expressions collectives devenues célèbres, comme le negro spiritual, le flamenco, le fado et à présent le rap… Pour ce dernier, qu'il m'est difficile de considérer comme expression artistique, l'inspiration se conjugue avec une volonté de révolte et peut être perçue comme une agression; j'y reviendrai plus précisément une prochaine fois.

 

 

Le patrimoine architectural, industriel, artisanal, paysan, pictural, urbain, qu'il soit une propriété privée ou publique importe peu, il est de toute manière le patrimoine commun d'un peuple, où il peut retrouver le reflet de son passé. Il faut remercier tous les particuliers qui, à l'occasion de ces journées, et conscients de la richesse dont ils sont dépositaires, acceptent de le laisser voir et visiter par leurs compatriotes qui en temps normal n'y ont pas accès; c'est une manifestation de civisme à laquelle il faut rendre hommage et qui trouve également une bonne occasion de se manifester à l'occasion des Journées du Patrimoine.

 

 

Il y a aussi, ne l'oublions pas, le patrimoine écologique: les réserves naturelles et sites protégés que les Journées du Patrimoine permettent souvent de découvrir. Là, c'est l'occasion d'un autre ressourcement, qui apprend à la plupart d'entre nous les richesses naturelles que nous possédons sans toujours les connaître, celles de notre faune et de flore indigènes, qu'on se soucie à présent -il n'est jamais trop tard pour bien faire- de protéger et même de plus en plus de faire revenir ! A cet égard, il faudrait se garder, me semble-t-il, de verser dans l'excès; sous le prétexte exact que faune et flore ont été, et sont encore trop souvent malmenées par des préoccupations mercantiles sans souci écologique, certains intégristes de l'écologie tombent d'un excès dans l'autre et finiraient par vouloir nous faire vivre dans un vaste musée où tout porterait la mention "ne pas toucher". C'est ainsi que je verrais certaines récentes mesures prises dans l'intention de protéger le patrimoine forestier, qui aboutissent à priver tout un chacun du plaisir de se promener en forêt.

Ceci est vrai aussi pour le patrimoine architectural urbain, où le même excès conduit à présent à considérer comme relique sacrée toute façade qui aurait simplement plus de cent ans. Il faut raison garder: les hommes vivent, sont avant tout des acteurs, et l'histoire avance, on la fait chaque jour, et il faut faire des choix. Autant il est fondamental de se souvenir et de respecter ce qui doit l'être,autant il est aberrant de vouloir arrêter l'histoire en voulant vivre dans un monde qui figerait le passé dans un présent qui interdit toute marche en avant. Tous les vestiges du passé ne doivent pas être considérés comme sacrés; simplement il en est qui méritent de l'être: ce seront des bijoux de famille, des éléments du patrimoine national (ou régional si on préfère)

Les Journées du Patrimoine remportent d'année en année un succès grandissant.

Félicitons-en ceux qui en ont pris l'initiative, participons-y, et félicitons-nous qu'elles témoignent par leur succès d'une prise de conscience collective

qui nous est très proche et s'apparente, tout comme l'intérêt que l'on voit se porter sur l'écologie et l'environnement, à un retour à des valeurs naturelles, à la redécouverte de concepts

fondamentaux. Je ne doute plus que cette évolution des esprits aille de pair avec la résurrection concomitante, partout, du sentiment identitaire et nationaliste.

Puisse chacun d'entre vous trouver dans cette réconfortante constatation un encouragement à redoubler d'efforts dans l'action politique: nous sommes au début d'une vague puissante. Sachons l'empêcher de dévier en perversions fâcheuses

 

I. L.

(Bastion n°27  d'octobre 1998)

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