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Le billet d’humeur de Charles Magne

Messieurs de grâce rétablissez une censure franche

 

Boris Souvarine, un des premiers dissidents au régime soviétique, a récemment déclaré que le totalitarisme était tombé à l’Est pour renaître à l’Ouest, mais ajoute-t-il personne ne s’en rend compte. Personne ? Le mot est excessif ! A ma modeste mesure, je m’aperçois qu’entre les années 1960, celles de mon enfance, et cette fin de siècle, nos sociétés occidentales ont dérivé dans une pensée unique, teintée de sournoiserie et de veulerie, qui s’abrite derrière les bons principes et les bonnes intentions. Cette pensée manque pour l’instant de courage et n’ose pas montrer son vrai visage : celle de la haine de soi et de l’instinct de mort qui gouverne les organismes biologiques malades comme les sociétés décadentes. Mais que l’on se rassure, le progrès étant sans limite l’on verra bientôt resurgir une véritable censure, qui ne se dissimulera plus derrière des arguties juridiques et des lois spécieuses mais reposera sur quelque cabinet noir, où des technocrates zélés fouilleront le secret des correspondances, sonderont la profondeur des âmes et recomposeront les œuvres des gens d’esprit à la mesure de leur talent et de l’idéologie du moment.

Certes tout cela existe déjà à l’état larvaire et il n’est presque pas de jour où l’on ne voit la censure des esprits faire de progrès. Ainsi, un de mes amis m’a révélé que dans un récent procès en opinion l’avocat général avait requis une condamnation pour divulgation de faits objectifs au motif qu’ils donneraient lieu à une interprétation raciste. De cette façon si j’écris avec Astérix " Ils sont fous ces Romains ", il est indéniable que j’incite à la haine raciale, même si je prononce cette sentence en souvenir des massacres perpétrés par les légions romaines en Gaule Chevelue et en Gaule Belgique. Si je constate que les schtroumpfs sont bleus et petits, j’aggrave le délit car j’attire l’attention du lecteur sur une double particularité de leur physionomie, ce qui cache manifestement une intention ségrégationniste, fondée sur la couleur de la peau et sur la taille de cette peuplade.

Le mieux serait donc d’abolir ces différences en abolissant l’histoire. L’histoire ce grand mal qui fait que chaque peuple perçoit les autres au travers de son filtre. Mais pour cela j’ai peu d’inquiétude. Le travail de censure de la mémoire collective est presque achevé. Lorsque je lis le manuel d’histoire de mon fils aîné, je me dis qu’il aurait bien pu paraître avec la bénédiction de l’académie des écrivains soviétiques tant il est modelé par la langue de bois du défunt régime communiste. Pourquoi s’étonner ? Ce n’est au fond qu’une étape supplémentaire dans l’effacement du souvenir des origines, seul capable de forger le caractère d’hommes et de femmes libres. Avant cela, l’on a bien retiré des manuels la formule consacrée selon laquelle nos ancêtres étaient des gaulois. Il est vrai que celle-ci avait un caractère réducteur, car pour l’immense majorité de la population s’y ajoutaient quelques origines franques et indo-européennes diverses, lesquelles étaient injustement passées sous silence.

Que nos censeurs se réjouissent néanmoins, car leurs actions portent enfin leurs fruits. Leur intervention ne sera bientôt plus nécessaire tant l’autocensure sera le lot de l’humanité décérébrée qu’ils auront façonnée. Je n’en donnerai que deux exemples tirés du quotidien.

 

 Cet été assis à la terrasse d’un café auxerrois, j’observe que le garçon (j’ai bien écrit le garçon) porte de jolies boucles d’oreilles reprenant le symbole des militantes lesbiennes - deux signes de la planète vénus entremêlés – dans un moment d’égarement je lui demande " vos boucles c’est le signe d’un parti politique ? " et m’attire cette réponse indignée " Moi, Monsieur je ne suis pas raciste, Blacks, Blancs, Beurs, on est tous pareils " - ce que les temps étant je ne me permettrais pas de contester - mais là n’est pas le plus surprenant. Ce qui l’est fondamentalement c’est que la réponse est sans rapport avec la question. C’est que ce jeune homme a déplacé immédiatement la conversation sur le terrain de l’interdit social, pour me lancer l’une de ces formules propriatoires qui délivre du soupçon, de l’anathème. Car telle était son angoisse : j’aurais pu confondre ses attributs lesbiens avec ceux de quelque groupe politique malfaisant qui prônent l’amour de la patrie – soit dit en passant des patres, des ancêtres.

Le deuxième incident relève également du même état d’esprit. En visitant le site mégalithique de Locqmariaquer (Armorique) je consulte le guide pour savoir si : les menhirs brisés ne l’avaient pas été au moment de l’arrivée des celtes en Bretagne. Cette fois ma question me vaut cette réponse, " il n’y a pas de race celte, les Bretons, d’ailleurs, descendent d’un peuple originaire du Moyen-Orient ". Pour les mêmes raisons que je viens d’évoquer je n’en disconviendrai pas. J’abonderai d’ailleurs dans ce sens, et la prochaine fois que l’on me demandera le temps qu’il fera je répondrai " Moi, je ne suis pas raciste, Stratus, Cumulus, Cumulo-nimbus, Altus, ce sont tous les mêmes et je les aime. ". Voyez Messieurs les censeurs comme vous pouvez vous réjouir, l’abrutissement fait rage et vous n’en êtes pas peu responsables.

Mais le système de l’autocensure à sa faille. Il nous plonge, nous gens de mauvaise foi, dans le pêché perpétuel, car faute d’une ligne directrice claire nous sommes sans cesse relaps. Aussi de grâce ne nous faîtes plus attendre. Sortez de l’amateurisme juridique et créez une commission de la censure bien franche, bien nette, qui agisse au grand jour et qui nous épargne l’angoisse où nous plongent les apprentis censeurs. Fonctionnarisez donc la chose, coupez, retranchez, de nos articles les mots interdits (comme franche par exemple qui vient du mot franc) les pensées non conformes et remplacez les par des parenthèses, des crochets, des points de suspension. Certes vous y perdrez un peu de votre pouvoir – car la certitude de la sanction est moins dissuasive que la peur diffuse - mais vous y gagnerez en esthétique et en procès inutiles. Enfin voyez comme dans vos mains mon article se résumerait en ces quelques traits élégants qui dessineront la langue et la pensée du futur  :

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