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La disparition de la justice militaire

 

Parmi les idées nuisibles ou saugrenues que nous concocte notre gouvernement dit arc-en-ciel, figure rien moins que la suppression de la justice militaire. La canaille rouge de la RTBF (ou le gauchiste de service, si d’aventure vous vouliez faire paraître mon texte et que la verdeur de l’expression vous rebute) qui a annoncé la chose l’a d’ailleurs qualifiée de justice de classe. Elle ne faisait en cela que reprendre la terminologie chère à son maître Karl Marx.

Cela s’inscrit dans le cadre de la détérioration voulue et systématique de notre outil militaire depuis les années cinquante : j’ai eu l’occasion de l’observer de près durant mes trente-deux années de carrière d’officier. La gauche, caviar ou non, a toujours crié haro sur le soldat. Mais actuellement, une autre catégorie de politicards à la petite semaine s’acharnent à détruire ce qui est un des ultimes organismes constituant un ciment de l’unité nationale : je veux parler de ceux qui recherchent l’éclatement du pays et qui vont ainsi à l’encontre du vœu de la majorité des citoyens.

Les actuelles intentions du politique s’inscrivent d’ailleurs dans le droit fil de la suppression de la peine de mort dans le code pénal militaire, même et surtout en temps de guerre. Il me semble pourtant aller de soi que deux au moins des crimes commis en cette circonstance doivent se terminer devant le peloton d’exécution : il s’agit de la désobéissance devant l’ennemi et de la désertion devant l’ennemi. Il est en effet parfaitement incohérent de mettre le lâche douillettement à l’abri des obus et des balles, derrière les épais murs d’une prison, même pour de nombreuses années, alors que son brave camarade continue à risquer de se faire trouer la peau à tout instant. En temps de guerre, le soldat peut mourir, c’est son état qui le veut, mais le déserteur DOIT mourir.

Il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que l’état de soldat – pris dans son sens large, comme on dit que le maréchal Ney fut un grand soldat – répond à des caractéristiques extrêmement particulières.

Tout d’abord, et c’est en quelque sorte un truisme, il y règne une hiérarchie stricte et bien plus contraignante que dans le milieu civil. Cela correspond à une nécessité vitale. Sur le champ de bataille, à tout échelon, celui qui est débordé par une situation qui lui échappe pour quelque motif que ce soit, se tourne vers son supérieur qui l’aide à sortir de l’impasse. De même, ce supérieur donne à son subordonné les ordres et impulsions nécessaires à l’accomplissement de la mission. Tout cela doit aller très vite, nécessité faisant loi et doit être longuement préparé dès la paix.

Ensuite, le sens de l ‘équipe et de l’effort collectif est plus développé dans les forces armées que partout ailleurs. L’individu dépend très étroitement de la collectivité, sur laquelle il a à son tour une influence déterminante. Pour prendre un exemple que je connais bien, si un des quatre équipiers d’un char ne connaît pas son métier, c’est l’ensemble qui part vers une mort certaine : l’enjeu n’est pas mince. Cela aussi se prépare durement au jour le jour et justifie pleinement ce dont on fait communément la force principale des armées : la discipline.

Enfin, et je viens de l’évoquer, l’état de militaire se place tout entier sous le signe de l’engagement personnel total, pouvant aller jusqu’à l’ultime sacrifice. Il n’y a pas si longtemps qu’au Katanga ces termes ont trouvé, hélas, leur plein sens. Ultérieurement, que ce soit en Somalie, en Yougoslavie ou ailleurs, nos soldats ont encouru des risques certes non négligeables.

Tout ceci pour en venir au fait qu’une justice spécifique aux forces armées est indispensable. Seul le militaire, en temps de paix comme en temps de guerre, est parfaitement au courant de l’atmosphère réelle et si particulière dans laquelle se déroulent les faits ; seul, il peut se placer par la pensée dans la situation où se trouvent l’accusé, le plaignant, les témoins. Seul, il est bon juge.

J’ai suffisamment de fois siégé au Conseil de Guerre pour savoir que dans l’immense majorité des cas, bonne et sereine justice y est rendue. Et si les broutilles y sont parfois traitées, il est vrai, avec quelque bienveillance, les infractions graves et qui contreviennent à l’honneur y sont traitées avec rigueur si tant est qu’elles soient dûment établies. Eh oui, messieurs les hommes politiques, ce mot d’honneur a encore un sens pour nous !

Ainsi donc, si le projet gouvernemental vient à maturité, le justiciable militaire, au lieu de voir son procès se dérouler dans des délais raisonnables, verra traîner son affaire au rythme peu allègre des tribunaux ordinaires. Au lieu d’avoir bonne justice rendue rapidement mais sans hâte aucune, sans précipitation condamnable, il aura une justice inadéquate et lente.

La discipline et la cohésion des forces armées en souffrira fatalement. Mais peut-être cela non plus n’est-il pas un hasard.

R.M., Commandant e.r.

 

(Bastion n°50 de Février 2001)

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