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VACHE FOLLE... PAS SI FOLLE QUE CA?

 

Pour qui roule la Commission Européenne???

 

Dans la nuit du 25 au 26 février, des milliers de tracteurs sillonnent les routes de Belgique. A leur rythme. 2.400 d'entre eux roulent sur Bruxelles, où se réunissent, tout à l'heure, les ministres de l'Agriculture des Quinze. Car l'Union Européenne, après... 10 ans de réflexion, a pris des mesures contre la maladie de la vache folle. Des mesures dont le coût est très élevé. 280 milliards sans doute, d'ici 2003! Et ces mesures, les agriculteurs, les éleveurs, les paieront. Alors que la Commission de l'Union a commis, erreur sur erreur, dans la gestion de l'épizootie. Les éleveurs sont venus à Bruxelles, crier leur colère et leur détresse. Le Bastion a pu échanger quelques propos, avec l'un d'entre eux.

 

Le Bastion: Quelles mesures concrètes a pris l'Union Européenne (UE), contre l'ESB ou Encéphalopathie spongiforme bovine?

Monsieur B., agriculteur et éleveur: Toutes les bêtes nées avant 1996 sont testées après l'abattage, on ne peut les consommer avant 24 heures. Les bêtes de moins de 30 mois ne sont pas testées. Le coût est énorme. Sans compter l'interdiction de consommer toute une série d'abats: ce sont des pertes sèches. Ces abats, il faut les détruire. Cela se chiffre en milliards. On n'imagine pas encore l'étendue de la catastrophe. Le prion de la vache folle, à l'inverse d'un virus ou d'une bactérie, n'est pas décelable dans le sang, sur un animal vivant. On ne le découvre qu'après l'abattage, après examen du cerveau. Je vais mener un taureau à l'abattoir, cette semaine, hé bien, si on découvre l'ESB, tout mon troupeau est abattu! Je toucherais des primes importantes, c'est vrai, c'est pour faire taire les éleveurs. Mais que ferais-je après? Racheter du bétail, avec les primes? Et quel bétail? Des bêtes que je n'aurai pas élevées, pas sélectionnées. Quand on ne connaît pas, on n'aime pas. Et puis, on répand le bruit que des engrais ont pu être contaminés, par des farines animales qui entrent dans leur composition, et donc les prairies... On crée une véritable psychose. Une autre mesure, c'est l'interdiction des farines animales. Encore une ruine!

 

Le Bastion: Comment cela?

Monsieur B.: Il faudra remplacer les farines animales par des oléo-protéagineux: tournesol, colza, tourteaux de soja. Or, l'Europe a déjà réduit l'aide à la production, dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune. Il y a encore des primes, c'est vrai. Pour le colza, je touche 20.000 francs par hectare. Mais à condition de laisser des terres en jachère! Ce sont les Etats-Unis qui ont exigé cela, dans le cadre de l'OMC, ce sont les accords de Blair House. On a créé ainsi artificiellement une pénurie d'oléagineux, et nous sommes obligés d'importer leur soja, génétiquement modifié. Si je pouvais au moins laisser paître mes bêtes, sur les terres en jachère, mais c'est interdit aussi. Et maintenant, l'UE veut financer les mesures anti-vache folle, en diminuant encore les primes pour les céréales!

 

Le Bastion: Les primes aux agriculteurs, c'est quoi exactement?

Monsieur B.: L'UE nous force à vendre nos céréales, au cours du marché mondial. Or, les Etats-Unis et le Canada pratiquent le dumping, sur le prix des céréales. Les prix sont donc très bas. Nous ne pouvons pas faire de bénéfice, et l'Union nous donne des primes, pour compenser. Les primes sur l'orge, le froment ou les oléo-protagineux, c'est donc notre revenu. Si on supprime les primes, beaucoup d'agriculteurs ne pourront plus nouer les deux bouts. La crise de la vache folle, nous n'en sommes pas responsables, mais on veut nous faire payer tout de même.

 

Le Bastion: Qui est responsable alors de la crise, selon vous?

Monsieur B.: Mais l'Europe, la Commission, n'est-ce pas. Un député européen, Jean-Claude Martinez (France), a donné l'alerte en 1990!!! En 1990. Lisez. Happart aussi, d'ailleurs. En 1990, Martinez a rappelé l'apparition de la vache folle en Grande-Bretagne en 1986, a prédit l'apparition de la vache folle dans les troupeaux français, et a dénoncé le risque de zoonose, c'est-à-dire la transmission de la maladie, de la vache à l'homme. On aurait dû interdire, immédiatement, l'importation des bêtes anglaises, et des farines animales. On n'a rien fait du tout. L'Angleterre a crié à l'embargo. Le plus fort, c'est que la Grande-Bretagne a finalement interdit les farines animales... chez elle, en 1988, mais les a exportés vers la Belgique et la France! C'est criminel. En 1996, les pays de l'Union décrètent l'embargo sur le boeuf britannique: la Commission autorise l'embargo, à contrecoeur, après coup! Le 1er août 1999, la Commission lève l'embargo! La France renâcle, la Commission poursuit la France en justice et réclame des astreintes! Aujourd'hui, l'épizootie a gagné tout le continent. Et aujourd'hui, le Commissaire européen Fischler annonce que pour financer les mesures prises contre l'ESB, on va diminuer les primes versées aux agriculteurs...

 

Le Bastion: A qui profite cette crise?

Monsieur B.: Il n'y avait pas assez de laboratoires, au début de l'année, pour tester les carcasses de bovins. En Allemagne, par exemple. Il manquait donc de la viande, sur les étals des boucheries et des grandes surfaces. Les producteurs américains et argentins ont aussitôt fait offre de livrer des carcasses. Je dis toujours: cherchez à qui le crime profite. Or, ces viandes ne sont pas testées. Pourtant, il y a des risques connus: ces bêtes sont piquées aux hormones, et nourries aux organismes génétiquement modifiés (OGM). C'est donc: le soja transgénique et les hormones, dans nos assiettes. Les Américains nous "sauvent", n'est-ce-pas, comme en 44! Il y a des pressions, depuis le début. A-t-on voulu détruire nos élevages, qui étaient très performants? En Belgique, nous avons créé une race superbe, même si j'ai quelques réserves, bien sûr.

 

Le Bastion: De quelle race s'agit-il?

Monsieur B.: Le BBB, le bleu blanc belge. Le champion de notre production. Le culard. Avec quelque 60% de viande. C'est la viande de boeuf la plus diététique, parce qu'elle est la moins grasse. Le centre de la race, c'est la commune de Havelanges, ici. On a sélectionné une race dont nous sommes fiers, par croisements, et sur un sol de qualité. On a ainsi fait apparaître le gène culard. Voyez, on les tond, pour bien faire apparaître leur anatomie. Ce qui a lancé le gène culard, c'est le beefsteack. Les femmes travaillent, et veulent cuisiner vite. Il fallait donc beaucoup de steack! Il y a eu l'antibiotique, la césarienne, le BBB était lancé. Car il faut savoir, que le BBB ne peut pas vivre sans antibiotique. Il n'y a plus de naissances naturelles, tout se passe par césarienne. Les veaux sont énormes. Et les vaches sont constituées de telle façon, qu'il n'y a plus d'expulsion naturelle possible. Quand la césarienne n'existait pas, ces veaux-là, c'était des accidents, on les découpait. On a une bonne race, mais la sélection a été mal conduite. Comme on parle de supprimer tout à fait les antibiotiques, la race est condamnée. Pas de césarienne sans antibiotique. Et puis, ces bêtes sont très fragiles, elles ont une telle musculature, qu'il faut alimenter en oxygène, le coeur et les poumons ne tiennent pas toujours le coup. Il y a des infarctus.

 

Le Bastion: Comment la crise affecte-t-elle en pratique, les agriculteurs?

Monsieur B.: On ne vend plus. Les prix chutent. Il y a surproduction. Une bête qu'on ne peut pas vendre quand c'est le moment, vieillit, elle perd de sa valeur. Elle consomme deux, trois mois de plus, mais ne fait plus de bonne viande. Dans l'industrie, on peut stocker des produits, les produits, ça ne consomme rien. Mais les vaches, ça consomme toujours. Il faut les soigner. Les agriculteurs en difficulté, sont un oiseau pour le chat. Une exploitation moyenne, dans le Condroz, c'est 120 têtes de bétail. Ca peut aller jusqu'à 1100 têtes. Mais aux Etats-Unis, une exploitation compte 10.000 têtes de bétail, hors sol. Elles sont élevées sur le béton, nourries au silo, elles ne peuvent pas bouger, pour éviter que leurs muscles ne durcissent. Vous n'avez jamais mangé de veau blanc? Il est mis dans un enclos, de telle façon qu'il ne puisse bouger. On le rend anémique, on lui donne une nourriture sans fer, à base de lait, et pas d'herbe. C'est comme cela, qu'on obtient une viande blanche. Il n'y a pas de lumière dans l'enclos, et pas le moindre clou, la moindre chaîne métallique. Car la petite bête est si anémiée, qu'elle lèche tout objet métallique, et réussit à en assimiler le fer! Voilà où l'Europe veut aller... comme aux Etats-Unis. Moi, mes vaches elles mangent de l'herbe, elles ont besoin de prairies. C'est la relation de l'homme, de l'animal à la terre qui est en cause, la relation de la famille à la terre, car ce sont les familles, ici, qui exploitent des fermes. Et puis, je vous l'ai déjà dit: il n'y a pas de pays, sans paysans.

 

 

J.C. Martinez, euro-député français, le 11.9.1990 au Parlement Européen:

Que fait-on de ces cadavres d'animaux, moutons ou autres déchets d'abattoirs? On fabrique des farines. ... Il se trouve que les Britanniques ont décidé d'abaisser la température à laquelle on fait cuire ces farines jusqu'à 120 degrés au lieu de 160. Or, ce qui devait arriver est arrivé: un certain nombre de ces farines fabriquées à partir de carcasses de mouton qui étaient atteintes de la tremblante du mouton, se sont mises à contenir le prion. Je rappelle que le prion n'est ni une bactérie, ni un virus, c'est un agent transmissible non conventionnel. Et cet agent n'a pas été détruit dans les farines britanniques, il a été ingéré par les vaches britanniques en 1980 et il a donné, après une période d'incubation de 6 ans, la maladie de la vache folle britannique. Mais le pire, c'est que cette farine étant très bon marché, la France, mon pays, en a importé 43.450 tonnes, ingérées par des bestiaux l'année dernière. Dans les années qui vont venir, le cheptel français, connaîtra donc aussi la maladie de la vache folle. Il faudra soulever ce problème parce qu'il y a un risque de zoonose: la maladie peut passer de la vache à l'être humain. C'est l'avis de Kimberley, c'est l'avis de Prusiner, c'est l'avis d'un certain nombre de grands patrons de la médecine."

(Bastion n°51 de Mars 2001)

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