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Pour ou contre le logement social ?

 

Un logement social est un logement fourni par une autorité, publique ou privée, à des conditions plus favorables que celles du marché, afin de tenter de résoudre les problèmes sociaux de candidats locataires. Les politiques de logement social ont toujours eu beaucoup de succès auprès des politiciens de gauche et parmi les couches populaires de la population. Mais les politiques de logement social sont-elles justes et surtout sont-elles efficaces ?

 

Bénéficier d’un appartement de deux chambres à coucher[1] pour moins que le prix d’une chambre garnie[2], est incontestablement une affaire extraordinaire. D’autant plus intéressante que le logement constitue pour beaucoup de gens, leur principale source de dépenses. On comprend dès lors que de très nombreuses personnes se montrent intéressées par un tel avantage : il représente en moyenne un gain de plus 10.000 francs par mois, par rapport au marché immobilier.

 

Lorsque l’on offre sur le marché un bien largement en dessous de son prix normal, le nombre de candidats dépasse normalement très largement le nombre de biens offerts. En effet, lorsque l’on laisse jouer l’offre et la demande, il y a ajustement et on aboutit à un prix où l’offre et la demande s’équilibrent. Le fait de fixer délibérément un prix plus bas que le prix d’équilibre provoque une pénurie. On le constate en pratique : il y a toujours trop peu de logements sociaux pour répondre à la demande[3]. Les candidats s’inscrivent alors sur des files d’attente, en espérant réaliser un jour la bonne affaire. Le fait d’imposer des conditions sociales[4], notamment un plafond de revenu, n’a qu’une influence marginale sur le nombre de candidats.

 

Et comment résorbe-t-on les files d’attente de candidats locataires sociaux ? Une première solution consiste à faire bénéficier du logement disponible celui qui s’est inscrit en premier et a attendu le plus longtemps. Ce critère a le mérite d’être clair et objectif: le premier dans la file est le premier servi. Cette solution présente néanmoins trois inconvénients. D’abord, elle ne répond pas forcément à l’urgence sociale : ce n’est pas celui qui en a le plus besoin qui est aidé. Ensuite, comme les candidats ne peuvent rester sans abri, ils doivent se loger autre-part en attendant leur tour, ce qui pose des problèmes, notamment de rupture de bail et de déménagement. On ne change pas de logement comme de chemise ! Il n’est dès lors pas étonnant que des candidats inscrits sur la liste d’attente doivent se désister au moment où vient finalement leur tour. Enfin, de nombreux candidats en attente se logent de manière précaire et dans de mauvaises conditions en attendant leur tour, ce qui va à l’encontre de la politique sociale recherchée.

 

Une solution alternative plus séduisante serait de donner priorité aux cas sociaux les plus flagrants, à ceux qui en ont réellement le plus besoin. Mais alors on introduit un élément de subjectivité qui permet de graves dérives. Et lorsque l’on connaît la politisation complète des organes de décision en matière de logement social, on comprend immédiatement que le critère politique devient rapidement déterminant : on aide prioritairement, sinon exclusivement, sa propre clientèle électorale. Pour obtenir un logement social, il faut non seulement détenir la bonne carte de parti, mais il faut rendre des services tels que coller des affiches ou distribuer des tracts.

 

Du point de vue de la justice sociale, le fait de n’aider qu’un nombre restreint de personnes dans le besoin (il n’y a qu’un faible pourcentage des demandes de logement social qui peuvent être satisfaites) n’est pas très équitable. D’autant plus que l’attribution des logements sociaux se fait sur la base de critères plus que discutables[5].

 

Il serait beaucoup plus rationnel de diviser le total des coûts du logement social entre les personnes se trouvant objectivement « socialement dans le besoin » et de leur verser à toutes une allocation qui augmenterait leur revenu[6] : cela serait beaucoup plus équitable et plus efficace[7], tout le monde en bénéficierait sur un pied d’égalité. Mais, politiquement, une telle solution aurait peu de succès : elle se heurterait d’une part à la coalition des politiciens soucieux d’entretenir une clientèle électorale en utilisant le système existant et d’autre part à la masse d’électeurs qui préfèrent une chance[8] même minime d’obtenir un logement social, à une solution moins avantageuse, mais qui profiterait à tous.

 

Relevons enfin le prix prohibitif du logement social pour la collectivité[9]. Le prix de construction moyen d’un logement social en région bruxelloise tourne autour de 4.000.000 de francs (hors coût du terrain et autres frais !). A qualité et localisation équivalente, n’importe quel particulier payerait moins cher. Il existe plusieurs explications à ce surcoût : cela va des contraintes légales plus sévères[10], à des commissions occultes[11], en passant par des charges inhérentes à tout service public[12].

 

En conclusion, les logements sociaux sont un instrument peu efficace pour lutter contre la pauvreté et les problèmes sociaux[13]. Ils sont une source indiscutable d’inégalité entre les heureux bénéficiaires d’un logement social et la masse des autres citoyens se trouvant souvent dans une situation objectivement plus difficile. Ils ont un coût prohibitif pour la collectivité, et sans commune mesure avec leur faible efficacité dans la lutte contre les situations sociales difficiles. Ils sont avant tout un instrument privilégié pour le clientélisme politique, mais également une source indiscutable de corruption pour les politiciens locaux.

 

Mais, aucun politicien n’oserait s’attaquer au logement social, car la mobilisation des personnes qui en bénéficient sera toujours plus efficace que la satisfaction des citoyens qui profiteraient de la suppression d’une telle politique, pourtant dispendieuse, inefficace et socialement injuste…

 

François-Xavier ROBERT



[1] En Région bruxelloise, les appartements 2 chambre représentent 38,24 % des logements sociaux ; dans cette catégorie se situe à la fois le mode et la moyenne statistique des catégories de logements sociaux.

[2] Le loyer mensuel moyen des logements sociaux en Région bruxelloise se montait en 1998 à 7.330 Frs. Le loyer d’une chambre d’étudiant tournait à la même époque autour de 8.000 francs par mois.

[3] Et lorsque l’offre de logements sociaux devient suffisante, cela signifie que le loyer demandé correspond au loyer normal du marché : il ne s’agit dès lors plus de logements sociaux. On peut arriver à une telle situation de deux manières, soit par une mauvaise estimation du loyer des logements sociaux (loyer « trop » élevé), soit par une offre de logements sociaux tellement importante que la demande sur le marché immobilier normal décline, faute de candidats locataires, à un point tel que le prix du marché rejoint celui des logements sociaux.

[4] Les conditions fixées pour accéder à un logement social sont rarement respectées : en Région bruxelloise, en 1998, 235 bénéficiaires de logement social déclaraient un revenu annuel supérieur à 2.000.000 de francs, et 9,42% des locataires déclaraient un revenu annuel supérieur à 1.000.000 francs. Pour la même période, en Région bruxelloise, au moins 4.120 isolés occupaient un appartement social à deux chambres à coucher !

[5] Les critères théoriques d’attribution souffrent de nombreuses exceptions.

[6] Une solution alternative ou complémentaire serait de relever le seuil de revenus imposable.

[7] Il vaudrait mieux relever le revenu des classes les plus défavorisées et leur laisser trouver un logement au prix normal du marché immobilier.

[8] C’est un fait constant que beaucoup de gens préfèrent une chance, même minime, d’obtenir un gros avantage susceptible de changer leur mode de vie, à la certitude d’obtenir un petit avantage qui ne modifie que très peu leur vie quotidienne. C’est ce trait de caractère qui incite tant de gens démunis à s’adonner à des jeux de hasard tels le lotto ou le tiercé plutôt que d’épargner leurs mises de jeu : statistiquement, il est totalement irrationnel de participer à ces jeux.

[9] Le montant du coût réel à charge de la collectivité est extrêmement difficile à évaluer et est sans doute volontairement maintenu opaque: il se répartit entre crédits directs (ordonnancés sur plusieurs années), avances diverses, bonifications d’intérêts, subventions indirectes, prêts, mise à disposition de terrains, dettes reportées… le tout à charge de divers pouvoirs : région, communes, para-régionaux…Etc…

[10] Relevons cependant que de nombreux logements sociaux ne correspondent pas aux normes légales, ni aux normes de confort modernes : de nombreux logements sociaux sont délabrés par manque de soin des locataires et négligence des sociétés de logement ; de plus de nombreux logements ne possèdent même pas une salle d’eau !

[11] De nombreuses institutions publiques s’occupant de logement social ne sont pas soumises au contrôle de la Cour des Comptes.

[12] Notamment les charges administratives.

[13] Il est illusoire de croire que les logements sociaux permettent d’améliorer la qualité de l’habitat : une politique d’éducation et de responsabilisation est beaucoup plus efficace.

 

(Bastion n°57 de janvier 2002)

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