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Lorsque j’ai décidé d’aller voir Le Seigneur des anneaux, je n’avais aucun a priori favorable ou défavorable à l’égard du film de Peter Watson. J’étais simplement guidé par le bon souvenir du livre et l’envie de faire plaisir à l’un de mes enfants. Un peu avant d’entrer dans la salle obscure, je fus, toutefois, intrigué par la critique radiophonique d’un journalisticule petit maître en pensée officielle. Selon lui, le film n’était pas assez cosmopolite. Je me demandais ce que pouvait être une œuvre insuffisamment cosmopolite. Je ne fus pas long à être fixé. Dès les premières images,  je fus emporté dans le monde merveilleux des facétieux hobbits, des puissants nains, des gracieux elfes et des redoutables magiciens. L’univers des personnages était le mien. Les valeurs exaltées étaient celles chantées par mes pères : l’amitié, la fidélité, le courage individuel et l’acceptation virile de son destin. Alors, je sus ce qu’était une œuvre pas assez cosmopolite. Au-delà de la polémique, le film réserve bien des plaisirs esthétiques. On y trouve la geste chevaleresque rehaussée par la majesté des paysages néo-zélandais. Le succès du Seigneur des anneaux démontre que le peuple a soif des grands mythes qui donnent un sens à l’existence. Est-ce pour cette raison qu’il déplaît tant à ceux qui prétendent nous imposer leur infâme bouillie multiculturelle conçue pour nous asservir ? Ce qui il y a de certain c’est qu’en offrant une autre vision du monde – la notre – Tolkien et son metteur en scène dérangent les évictionnistes de tout bord. Ainsi, quelques jours plus tard sur Europe 1, il m’a été donné d’entendre une seconde et virulente attaque contre le film. Cette-fois, on avait décidé de sortir la grosse artillerie de la culpabilisation-diabolisation. Tous les qualificatifs y sont passés : tissu de propagande digne du IIIe Reich, Hitler en personne aurait approuvé le film, et surtout une œuvre qui réveille nos plus bas instincts racistes[1]. Que Tolkien fut un anglais épris de liberté et se soit battu dans les tranchées, en 1917, ne semble pas être un élément probant de sa bonne foi[2]. La caste médiatico-immagrationniste l’a déclaré suspect ! Pourquoi ? Parce que les elfes sont blonds ? Parce que l’on y voit plus de runes celtiques sur la lame des épées que d’os dans le nez des héros ? N’en déplaise à ceux qui n’appartiennent pas à notre communauté, Tokien fut un grand conteur. Sa vie[3] fut consacrée à l’étude de la philologie anglo-saxonne. Il la découvrit à Oxford (1911-1916), l’enseigna à l’université de Leeds (jusqu’en 1925) avant de revenir à Oxford où il fut élu professeur d’anglais à l’âge de trente-trois ans. Il s’est d’abord fait remarquer par la publication du Nouveau Dictionnaire anglo-saxon, puis par ses premiers contes : Le Hobbit (1923) et Le Silmarillon (1937). L’œuvre maîtresse – le Seigneur des anneaux – ne fut publiée qu’en 1954 après quinze ans d’une rédaction difficile. Le succès ne vint que dans les années soixante. Depuis 100 millions de lecteurs se sont passionné pour cette histoire qui puise dans les profondeurs de notre imaginaire. Sur la tombe du dernier barde européen on peut lire l’épitaphe suivante : John Ronald Reuel Tolkien, Beren 1892-1973. En accolant le nom de Beren au sien et celui de Luthien à celui de sa femme, il a rejoint sa propre légende[4]. Je suis certain que sur le chemin le conduisant au jardin des bienheureux il fut guidé par l’enchanteur Merlin en personne. Rendons hommage à son esprit qui ne s’est jamais égaré.