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CONNAITRE L’ISLAM :  LE CORAN

 

Lorsqu’un Occidental parcourt le Coran, il a l’impression de lire une série de versets décousus, parfois incompréhensibles, au style et au vocabulaire étranges, le tout figurant dans un désordre total. De plus, les titres des sourates (chapitres) n’ont en principe pas de rapport avec leur contenu : il s’agit simplement d’étiquettes. En fait, le Coran est un tout aux multiples entrées. Tout ceci rebute rapidement tout lecteur non averti.

 

Le Coran est, contrairement aux livres saints des autres religions, la parole d’Allah en personne. Elle est descendue lors d’une apparition de l'archange Djibril dans le cœur de Mahomet (PSL), prophète d’Allah, en 612. Celui-ci la sortira ensuite verset par verset, en fonction des circonstances jusqu’à sa mort en 632. Mahomet étant, selon le Coran, le « sceau des prophètes » aucune autre révélation, ni évolution, ne sera plus possible par la suite.

 

Une structure difficile à comprendre

 

Le Coran est divisé en 114 sourates (chapitres) et en versets (quelque 6.240 au total). A part la sourate introductive (Al-Fatihah), les sourates sont classées par ordre de taille : les plus longues au début et les plus courtes à la fin. Ceci correspond dans une large mesure à un ordre chronologique inverse : les sourates révélées à La Mecque (612-622) sont généralement plus courtes, et leurs versets ne comptent souvent que quelques syllabes, contrairement aux sourates de la période médinoise (622-632), beaucoup plus longues.

 

Les sourates peuvent aborder un nombre important de sujets, apparemment sans aucun rapport entre eux. Un même sujet étant traité dans diverses sourates, sous des aspects différents, et parfois contradictoires. C’est ainsi qu’il faut connaître le principe des abrogeants-abrogés (al-naasikh wal-mansukh) : les versets postérieurs annulent les versets les plus anciens, lorsqu’ils se contredisent : quelque 235 versets seraient ainsi abrogés. Les versets qui prêchent la tolérance (période mecquoise) sont ainsi dans une large mesure abrogés par les versets qui prônent la violence et l’intolérance (versets révélés à Médine). C’est ainsi que des non-musulmans se laissent induire en erreur : il faut une vue globale du Coran et bien en connaître les règles. La sourate IX.5 « Tuez les infidèles, partout où vous les trouverez… » annule ainsi 124 versets qui ordonnent la tolérance ! Enfin, une centaine de versets auraient, de plus, été amputés : les « versets sataniques », mais également, par exemple, le verset prescrivant la lapidation pour adultère[1]

 

Chaque sourate et chaque verset doit être replacé dans le cadre historique dans lequel il a été révélé. Pour comprendre et interpréter le Coran, il faut donc connaître la petite histoire de chaque verset. Isoler le Coran de son contexte historique, et des traditions et légendes qui l’entourent, n’a donc guère de sens. Il est par exemple impératif de les situer dans le cadre de la vie du prophète (sira) (voir mon article précédent sur la vie de Mahomet). Ceci permet de combler les vides du textes, les allusions ou même les versets « équivoques[2] ».

 

 

Les périodes du Coran

 

Le Coran est, selon l’islam, la parole infaillible et éternelle d’Allah[3].  Celui-ci l’a déposée en une fois en son prophète par l’intermédiaire de l’archange Djibril. Par la suite, il a été progressivement révélé par le prophète, le plus souvent à l’occasion d’événements particuliers. On y distingue habituellement la période mecquoise (612-622), de la période médinoise (622-632).

 

La période mecquoise se subdivise en trois sous-périodes. La première sous-période a révélé quelque 47 sourates relativement homogènes, fort courtes, à rime unique, au rythme haletant : il s’agit plutôt d’incantations juxtaposées. Les thèmes sont simples : des thèmes eschatologiques, la fin du monde, le jugement dernier, le châtiment des pécheurs que sont notamment les riches et les puissants, la récompense des justes…

La seconde sous-période comprendrait 21 sourates, plus longues et plus disparates, à la rime plus monotone. Elles s’attaquent surtout au système social en vigueur à La Mecque : importance de l’unicité divine et absurdité du polythéisme, châtiment pour ceux qui refusent d’entendre le prophète… avec des récits arabes ou bibliques à l’appui. La plan en est souvent identique : un peuple, aveuglé par sa richesse, refuse de croire en Allah et rejette ou persécute son prophète.

La troisième sous-période aurait révélé 22 sourates qui affirment l’opposition irrémédiable entre les polythéistes et les disciples de Mahomet. Elles se réfèrent souvent aux prophètes antérieurs, juifs et chrétien (Jésus) qui furent tous méconnus par leur peuple. Elles adoptent souvent la forme d’homélies tripartites qui se terminent par des menaces à l’égard de ceux qui refusent le message du prophète.

 

Après l’Hégire commence la période médinoise. Il s’agit d’une rupture fondamentale avec la période précédente : le texte abandonne toute tentative de persuasion. Les Mecquois ne sont plus des adversaires du prophète qui persistent dans l’erreur, mais des ennemis d’Allah qu’il faut combattre, vaincre et convertir, de gré ou de force. Outre des invectives et des appels au combat contre les infidèles, les sourates de Médine définissent également avec une grande précision les normes sociales (ahkaam) qui doivent être respectées par tous, croyants et incroyants. Les 24 sourates de cette période sont souvent très longues, en particulier les sourates II à V, et les versets qui les composent comportent parfois plus de 10 lignes. Les nombreuses prescriptions juridiques qu’on y trouve, bien que révélées à l’occasion d’événements particuliers bien concrets, doivent être comprises dans un sens universel, immuable et intemporel, car elles sont la parole même d’Allah.  C’est ainsi que le Coran couvre l’ensemble du droit et lie indissolublement et irrévocablement religion et politique.

 

Une tradition orale

 

Le Coran n’est pas destiné à être lu, mais récité[4] sous forme de longues mélopées. Initialement, le Coran n’était pas écrit, mais mémorisé[5]. Les éléments les plus significatifs furent transcrits sur des omoplates de chameau ou sur des peaux et servaient de support à la mémoire. Il est vrai que l’écriture nabatéenne[6] utilisée initialement ne reprenait que trois voyelles longues et utilisait souvent un même signe pour plusieurs consonnes différentes: dans de telles conditions, il était impossible de lire sans connaître le sens du texte. Une véritable compilation écrite du Coran ne fut ordonnée que par le troisième calife, Uthman[7], et les versions divergentes furent, en principe, détruites. Cette transcription s’imposait pour éviter des versions contradictoires et la perte du message divin : les compagnons de Mahomet étaient dispersés aux quatre coins des conquêtes arabes et commençaient à disparaître les uns après les autres.

 

Tous les jeunes musulmans doivent apprendre la totalité du Coran par cœur. Il apprennent souvent à le réciter sans rien en comprendre. Outre le Coran, les jeunes musulmans doivent mémoriser et reproduire une quantité impressionnante de récits et commentaires plus ou moins historiques ou légendaires relatifs à Mahomet et aux traditions islamiques. De nombreux pédagogues ont déjà souligné l’effet désastreux d’un tel effort de mémorisation qui, d’une part laisse peu de place pour apprendre autre chose et, d’autre part, se fait au dépens de tout esprit critique. 

 

Le message du Coran

 

Le Coran est la loi divine (Cha’ria), absolue, complète, universelle et intemporelle. Il établit ce qui est bien et ce qui est mal : il ne s’agit donc jamais de recourir à la réflexion personnelle ou à une morale quelconque. C’est bien, parce que le Coran le dit, et c’est mal parce que le Coran l’interdit, et tant pis si cela choque votre conscience personnelle. Ce qui importe, c’est la soumission aveugle à la volonté divine. Une telle conception, formellement imperméable[8] à toute évolution, n’est pas sans poser d’énormes problèmes dans un contexte social et historique fort différent.

 

L’enfer est décrit comme une véritable salle de tortures, tandis que le paradis (al-janna) tient beaucoup du lupanar, où les hommes peuvent jouir, sans aucune défaillance, de nombreuses houris[9], parmi des fleuves de vins qui n’enivrent pas. Tout musulman mort en djihad (shahid) est assuré d’accéder immédiatement à ce paradis très matérialiste[10]. 

 

Le Coran défend enfin une vision extrêmement déterministe de l’univers : « Allah dirige qui Il veut et égare qui Il veut ». Ceci se traduit souvent par la formule fataliste « Inch‘ Allah ». Une telle conception, qui nie le libre arbitre, n’est pas de nature à stimuler le musulman à lutter contre son destin.

 

Les musulmans considèrent que tout le savoir de l’humanité et toute la science sont résumés dans le Coran[11]. Ils effectuent, avec le plus grand sérieux, des contorsions intellectuelles dignes des disciples de Nostradamus pour démontrer que les découvertes scientifiques, telles les lois de la relativité, de l’expansion de l’univers ou de la médecine se trouvaient déjà dans le Coran. Une histoire controversée veut que le second calife, Omar, aurait fait alimenter le chauffage des bains d’Alexandrie avec les livres de la Grande Bibliothèque, au prétexte que, soit ces livres étaient contraires au Coran, et devaient donc être détruits, soit, ils étaient conformes au Coran, et donc étaient superflus.

 

Les « sciences coraniques » ne concernent pas que le Coran, l’étude de son contexte historique ou des hadiths[12]. Elles concernent l’étude de la langue arabe[13] (linguistique, grammaire, graphie, vocalisation, littérature…), mais aussi l’histoire, le droit (ahkam) et même les sciences dures. L’analyse grammaticale et sémantique est fondamentale en islam et détermine bien plus le sens du Coran que la morale, la logique ou l’interprétation téléologique.

 

L’exégèse « spéculative » est fermement condamnée en islam : l’opinion personnelle (ray) est formellement proscrite[14]. Seule l’interprétation du consensus (igma) des savants  est valable : il ne s’agit pas d’une majorité quantitative, mais bien qualitative. Celle-ci se fonde sur des critères linguistiques[15], mais surtout la tradition attestée par des « chaînes de garants » (isnad) censées remonter au prophète, sur l’interprétation des compagnons[16] de Mahomet, des successeurs[17] de celui-ci ou celle de savants faisant autorité. C’est ainsi qu’après quelques génération, l’interprétation du Coran s’est trouvée définitivement figée : il ne s’agit pas d’interpréter en fonction du contexte actuel ou du but ultime d’Allah, mais en fonction de ce qui a été concrètement révélé au travers du prophète.

 

Il est donc difficile de parler d’exégèse moderne du Coran. Au contraire, le « réformisme musulman » consiste plutôt à un retour aux sources : retour au texte même du Coran et au mythe de l’âge d’or de l’islam, au dépens de la modernité. Le Coran immuable semble être le roc auprès duquel de nombreux musulmans tentent de retrouver une sécurité psychologique dans un monde en perpétuelle évolution. Cette attitude est une des principales explications à la montée actuelle de l’intégrisme islamiste.                                                                              

N. Bagration



[1] Le verset « Le vieux et la vieille adultère, lapidez-les jusqu’à ce que mort s’ensuive, tel est le châtiment qu’Allah leur réserve » aurait été retiré selon Aîcha, épouse du prophète.

[2] S.III-5

[3] Contrairement aux livres sacrés des autres religions qui ne sont que des textes humains.

[4] Le terme Qur’an évoque la récitation. Les versets comportent des rimes qui facilitent la mémorisation.

[5] Le prophète aurait été illettré, mais ce fait est contesté.

[6] La différenciation des lettres arabes est bien plus tardive.

[7] Calife de 644 à 656. Assassiné en 644 (année 23 de l’Hégire).

[8] Les autres religions ont su se dégager du contexte littéral pour adopter une interprétation souple et téléologique : les textes sacrés y sont souvent compris dans leur sens métaphorique ou allégorique.

[9] Jolies créatures aux grands yeux noirs, qu’aucun homme ou djinn n’aura encore déflorées. Elles sont mises à l’entière jouissance des musulmans qui arrivent au paradis d’Allah.

[10]  Un martyr du djihad (shahid) est assuré du paradis, quels que soient ses péchés antérieurs. Au moment de la résurrection, il pourra en outre intercéder en faveur de 70 de ses proches pour les faire entrer au paradis.

[11] S.VI-38 « …Nous n’avons rien omis dans le livre…. »

[12] Les Hadiths sont les paroles du prophète. Ils ont pour de nombreux musulmans quasi autant d’importance que le Coran lui-même.

[13] Le Coran, parole d’Allah lui-même, aurait été transmis dans une langue arabe totalement pure et parfaite. Cette langue serait donc supérieure à toutes les autres langues. Des études scientifiques occidentales ont démontré qu’il n’en était rien : on y trouve des erreurs de syntaxe et des emprunts étrangers. De plus, la tournure de plusieurs versets démontre qu’Allah ne peut en être l’auteur, mais bien Mahomet (exemple S.XXVII-91: « J’ai seulement reçu l’ordre d’adorer le seigneur de cette ville […] J’ai reçu l’ordre d’être parmi les Soumis », ou encore la Fatihah el-kitab: « C’est Toi que nous adorons… »).  D’autres versets sont manifestement des plagiats, par exemple du poète préislamique al-Qays. Enfin, plusieurs centaines de versets sont directement empruntés ou inspirés par la Bible. Etc…

[14] Le sunnisme considère les interprétations divergentes ou allégoriques comme sectaires. Leurs auteurs sont jugés avoir introduit des « innovations blâmables » : Kharijites, Chiites, ismaéliens, zaydites… Ils ont été souvent combattus avec plus de violence encore que les infidèles.

[15] La perfection de la langue est un critère d’interprétation, puisqu’il s’agit de la parole même d’Allah, qui ne peut s’exprimer que de manière parfaite.

[16] Les compagnons du prophète sont « infaillibles » et considérés par beaucoup de musulmans comme de demi-dieux.

[17] La génération de ceux qui ont connu les compagnons de Mahomet.

 

(Bastion n°59 de Mars 2002)

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