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La dégringolade de l’armée belge

 

L'armée n'a au départ et en général pas fort bonne presse auprès de la population. Alors, lorsque six mille militaires manifestent dans les rues de Bruxelles en trimballant bêtement des gamelles, cela fait mauvais genre. Et comme tout défilé de revendications, la fin en a été marquée par le chaos complet. Heurts avec les forces de police, autopompes, jet de projectiles divers : j'en passe. En outre, les dirigeants syndicaux ont menacé de saboter le 21 juillet. Qu'on me permette de dire franchement mon opinion: le tragique rejoint ici le grotesque ! Et bien entendu, les penseurs du ministère et de l'état-major se sont empressés de ne pas broncher: droit syndical oblige!

Interrogé sur les possibilités d'augmentations de salaire, le Premier ministre a froidement déclaré qu'elles devraient se faire dans le cadre strict du budget de la défense, qu'il n'est pas question d'augmenter. Autrement dit, on va faire un nouveau trou pour en boucher un autre.

Les militaires de la vieille espèce, accompagnés d'ailleurs par beaucoup de civils bien pensants, s'interrogent avec anxiété sur la détérioration lente mais régulière de notre armée.

Dès les années cinquante, la guerre oubliée, le pouvoir a commencé à trouver le militaire agaçant, lui qui avait tendance à avoir la nuque un peu raide et à ne pas savoir faire de courbettes, et surtout exagérément onéreux.

Le résultat est que, depuis des temps immémoriaux, de réorganisations en restructurations, on nous annonce régulièrement qu'on va rendre l'outil plus efficace et à cette fin, diminuer les effectifs mais équiper les unités de meilleur matériel. Au temps des miliciens, on raccourcissait la durée du service, en choisissant soigneusement le moment pour son opportunité politique et l'électeur s'en trouvait satisfait. Actuellement, ce genre de déclaration faussement rassurante correspond à la suppression d'un certain nombre d'unités, le recrutement en volontaires de toutes catégories étant notoirement insuffisant. Et en ce qui concerne l'équipement, parlons en: nous sommes les plus piètrement équipés de l'OTAN.

Mais nous n'en sommes ainsi qu'à la partie visible de l'iceberg. Sous l'uniforme, la structure mentale du militaire a profondément évolué.

La dégringolade a commencé, il y a plusieurs décennies, par le règlement de discipline. L'ancien, qui datait des Hollandais, devait bien entendu être revu, voire remplacé comme cela a été le cas. Mais on est passé brusquement d'un régime où le subalterne n'avait strictement rien à dire devant son supérieur, à un autre, où tout était mis en oeuvre pour que l'autorité soit remise en question à tous propos. La transition a surtout été dure pour le petit gradé qui n'était plus appuyé inconditionnellement par la puissante hiérarchie militaire.

L'étape suivante a été l'introduction du syndicalisme.

Au début, et en tous cas dans les unités des FBA qui constituaient l'essentiel de l'armée, presque tout le monde en a doucement rigolé. Le syndicat et l'armée? Mais c'était comme l'eau et le feu! Et l'on se souvenait des grèves insurrectionnelles de 1960 où la troupe était intervenue, fermement mais sans excès aucun, pour rétablir l'ordre compromis précisément par les syndicats.

Puis, le ver étant dans le fruit, la contestation a fini par s'installer, le syndicalisme a pris solidement racine. Et avec lui la revendication, les criailleries, le chaos dans les mentalités, le doute dans les esprits.

On pourrait d'ailleurs se demander comment cela se fait. Eh bien c'est fort simple. Un homme politique, de quelque couleur qu'il soit, une fois arrivé au pouvoir, n'ouvre les oreilles aux desiderata des citoyens que, soit s'ils se mettent en grève – et encore faut-il que celle-ci ait un impact suffisant –, soit s'ils défilent dans les rues en brandissant des pancartes et en vociférant des slogans.

Alors on peut comprendre que les militaires aient fini par déclarer en avoir soupé de n'être jamais entendus par le pouvoir. En outre, à cette époque plus encore qu'aujourd'hui, le militaire en général et l'officier en particulier, à compétences et formation égale, était rétribué nettement moins que le civil, pour des prestations souvent plus longues et plus éprouvantes. Le politique a immédiatement lâché du lest en autorisant purement et simplement les associations professionnelles à l'armée. Les partis politiques s'en sont frottés les mains: il y avait là une nouvelle masse à conquérir, à endoctriner et à enrôler dans les syndicats de leur obédience. Du syndicat à la manif, il n'y a qu'un tout petit pas; de la manif à la grève, le pas est à peine plus grand. On est occupé à le franchir.

Or, si je ne m'abuse, l'armée fait partie de l'arsenal des moyens dont dispose le pouvoir pour maintenir l'ordre et non pour le troubler, pour assurer la sécurité et non pour la mettre en question.

Le résultat de cette lente dégringolade de l'état de soldat est qu'aujourd'hui la fierté de servir est remplacée par le désir d'avoir du boulot et de gagner le plus d'argent possible. Le sens de l'honneur et celui du devoir sont des vertus qui tombent en désuétude.

D'où les derniers et regrettables excès. Car on ne m'enlèvera pas de l'esprit que la manifestation récente est indigne de l'uniforme militaire et contraire à l'éthique. Hier, le soldat était le premier serviteur de l'Etat et planait au dessus de la mêlée. Aujourd'hui, il est, mentalement parlant si j'en crois la manif récente, devenu une espèce de petit fonctionnaire contestataire et bougon. Belle dégringolade!

Mais, dira-t-on, qu'aurait-il fallu faire?

Les gouvernements successifs, manifestation tangible de cette entité insaisissable qu'est l'Etat, au lieu de mépriser l'armée, ainsi qu'ils l'ont fait depuis la fin de la guerre, à l'exception de la brève période où les rodomontades de l'URSS leur avaient mis la peur au ventre, auraient dû s'apercevoir qu'il y avait là parmi les meilleurs citoyens du pays. Etre à leur écoute, les insérer harmonieusement dans le progrès économique au lieu de les en tenir écartés. Les estimer à leur juste valeur.

A l'extrême rigueur, au lieu d'instaurer le syndicalisme qui, association horizontale et contestataire, est systématiquement niveleur, ce qui sied mal en l'occurrence, on en conviendra, une forme de corporatisme adapté à l'époque moderne aurait été possible. Mais le mot, gâché par les abus qu'en ont fait jadis certains régimes autoritaires, fait hurler les âmes bien pensantes dès qu'on le prononce.

Les choses en sont là. Il n'y a aucun signe qu'on va redresser la barre. La paix prolongée endort les consciences. Le réveil risque d'être dur.

Sévignac

La triste réforme de Flafla

Le défilé du 21 juillet a permis de mettre en évidence le triste état de nos forces armées (mais ne doit-on pas les qualifier de « composantes armées » ?) après la réforme initiée par le ministre Flafla. Plus de chars au défilé : on préfère montrer des balayeuses automatiques, des engins de génie civil militarisés ou d’autres véhicules encore moins martiaux. Ou encore des unités anecdotiques comme la fauconnerie (expérimentale)!

Profitons-en pour constater que, plus notre armée se réduit, plus il y a inflation des grades : nous avons enfin un véritable « amiral » (il a été précédemment contre-amiral et vice-amiral) pour une « composante » navale deux fois moindre que du temps où elle était commandée par un commodore. Cet amiral « dur-à-cuir, herte-leder », porte dorénavant le titre ronflant de « Chef de la Défense » : le Roi ne commande donc plus rien (ce qui est contraire à l’article 167 de la Constitution : « Le Roi commande les forces armées »), mais peut se consoler avec une quatrième toute nouvelle étoile sur son uniforme.

Les anciennes « forces » rebaptisées « composantes », ne sont dirigées chacune que par un général deux étoiles (logique vu le peu d’effectifs des troupes opérationnelles): utiliser la « force » est devenu immoral, alors il vaut mieux composer…

D’ailleurs, les seules divisions que comptent encore nos composantes – bientôt désarmées – sont des divisions d’état-major.

Par contre, au département état-major, on trouve pas moins de 9 « directions » (ici, on dirige, mais on ne compose pas) à la tête desquelles on trouve, le plus souvent, un général trois étoiles (!):

- « Human ressources », où pas moins de six généraux et directeurs généraux se marchent sur les pieds;

- Un département « bien-être », dirigé par un général de corps d’armée, s’il vous plaît. Le bien-être démagogique passe avant les missions opérationnelles;

- Un département appui juridique : cela fait plus sérieux et est moins guerrier qu’appui-feu, et cela sans doute pour rappeler à nos ennemis que le droit prime la force ;

- Une direction générale « Ecoles et formation », qui n’a bien entendu rien à voir avec les ressources humaines, avec également un lieutenant général à sa tête;

- Une direction « Evaluation » : il faut bien-entendu évaluer avant de composer… Etc.

Comme d’habitude, on pratique la philosophie désarmante « moins mais mieux », surtout sur le terrain, mais on ne donne jamais les moyens de faire mieux. Enfin, les composantes seront dorénavant essentiellement orientées vers l’humanitaire et le social : la guerre ne serait-elle pas devenue impossible en Europe?

 

Communiqué de presse

 

(Bastion n°64 d'octobre 2002)

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