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Les forces armées en pleine mutation

Depuis notre indépendance - et même avant, mais ceci est une autre histoire - le cas était simple. L'armée, sous l'autorité du pouvoir politique, avait pour mission, conjointement avec la diplomatie, de garantir l'indépendance nationale. L'ennemi était simple à identifier. En 1831, c'était le Hollandais qui voulait nous replacer sous l'autorité de son roi, faisant ainsi fi de l'avis de l'écrasante majorité de la population belge.

En 1870, il s'agissait de la Prusse et de la France qui, dans la guerre qui les opposait, auraient bien voulu utiliser notre territoire, voire nous entraîner dans le conflit. L'armée avait à cette occasion monté une garde vigilante à nos frontières. En 14-18 comme en 40-45, c'était encore plus clair: l'envahisseur était allemand. Et l'armée, dans les deux cas, avait fait son devoir, avec des fortunes inégales il est vrai.

A partir de la guerre froide, les choses se sont subtilement compliquées. Jusqu'alors, nous choisissions nos alliés éventuels en toute liberté. Notre intégration à l'OTAN pour faire face à la menace soviétique ne s'est pas passée sans certains abandons de souveraineté. Le roi n'était plus le chef exclusif des forces armées qui étaient soumises à un commandement supranational. Nos alliés étaient devenus multiples et il ne nous était plus loisible d'en changer ou de modifier notre attitude envers eux comme par le passé. Mais l'ennemi était plus nettement identifié que jamais: l'impérialisme communiste et ses innombrables divisions.

Toujours est-il que les forces belges en Allemagne ont monté, le long du rideau de fer et aux côtés de nos alliés, une garde vigilante qui, durant des décennies a eu comme résultat de nous protéger efficacement du panzercommunisme en faisant réfléchir les autocrates du Kremlin sur les périls d'une entreprise hasardeuse.

Durant cette période, à part l'épisode de la guerre de Corée, nos soldats avaient dû en outre intervenir en deux circonstances un peu bizarres en 1960-1961. D'une part, lors de l'indépendance congolaise, ils avaient assuré la sauvegarde de nos ressortissants et leur évacuation vers la Belgique. A cette occasion, des notions de protection de la population civile et d'interposition, que nous retrouverons plus tard, étaient arrivées au jour, mais de façon encore fort informelle.

D'autre part, la troupe avait été fort active dans les opérations de maintien de l'ordre à l'occasion des grèves insurrectionnelles, ce qui est parfaitement dans ses attributions lorsque le pouvoir politique le requiert comme c'était le cas.

Les deux fois, l'opposant était clairement identifiable.

Et puis patatras, l'URSS s'effondre, le mur de Berlin est détruit, l'hydre communiste est morte, en tous cas pour l'Europe. Tout le monde s'en réjouit bien entendu et à juste titre. Mais du coup, plus d'adversaire identifiable ! La Russie devient un Etat parfaitement fréquentable qui réserve l'usage de ses forces armées au maintien de son imperium à l'intérieur de ses frontières ou pas loin de là.

Groupés en une sorte de fédération, les pays d'Europe ne risquent plus de se chercher des misères et l'Oncle Sam ne représente pour nous aucunement une menace militaire.

Du coup, les armées occidentales perdaient une bonne part de leur utilité : on le leur a fait bien sentir! Suppression du service militaire, diminution drastique des effectifs. Nous, Belges, sommes passés rapidement de 2 divisions et un régiment para-commando à 2 brigades et une brigade para-comando. L'Otan même n'avait plus sa justification première et devait se réorienter.

Il se fait alors que la politique s'est mondialisée et que tout le monde a voulu mettre son nez un peu partout et dans tout à la surface de la planète. Au nom d'un irénisme bien ou mal

compris selon les cas, on a tenté d'empêcher des peuples ou des fractions de peuple de s'entre-déchirer. C'est ainsi qu'on a envoyé nos hommes en Somalie, en Europe Centrale et maintenant en Afghanistan. Mais la philosophie de leur intervention est devenue profondément différente. Tant qu'il y avait un adversaire désigné, visible, que le politique estimait doté d'intentions inamicales voire agressives envers nous, le soldat a été entraîné à voir dans son homologue d'en face le mauvais qu'il fallait neutraliser par tous les moyens afin qu'il cesse de nuire. Tout le mental du militaire occidental était, depuis des siècles, formé à la bataille avec comme conséquence la destruction du salopard d'en face. Mais voici que de nos jours tout change. On s'interpose entre les factions, on tente de maintenir ou de restaurer la paix autrement que par cette action guerrière proprement dite, mais en faisant en sorte que le conflit ne naisse pas ou encore qu'il soit le plus possible muselé ou limité. Il s'ensuit une toute autre philosophie de l'action qui est difficilement compatible avec la première. Ou on apprend à taper sur le type qui se trouve de l'autre côté du front et dans ce cas, on a un mental agressif, ou on fait en sorte que les adversaires d'à côté cessent de s'envoyer des gnons, et on a un mental temporisateur, au mieux défensif. Ce n'est pas la même chose. Et les procédés d'intervention sont fort différents.

L'armée belge évolue donc, c'est l'évidence, et d'ailleurs, il est certain que ses programmes d'instruction s'en ressentent. L'intervention en «peace keeping » ou «peace making », cela s'apprend. On m'objectera que maintenant que nous avons une armée de métier, on peut compter sur la durée pour instruire le soldat dans les deux manières de se comporter. Je crois cependant que les différences au niveau mental sont primordiales.

Entendons-nous bien, je ne prétends nullement que ces apaisantes interventions de nos troupes soient inutiles ni qu'elle soient aisées. Je tire bien bas mon chapeau devant le travail effectué par nos soldats dans ce cadre périlleux et valorisant. J'affirme simplement qu'il y a là un processus mental fort différent de celui développé jusqu'à nos jours.

En outre, il est une chose que nos braves hommes politiques n'ont pas l'air d'avoir compris. Je sais que je vais proférer des paroles qui ne vont pas dans le sens du multiculturalisme dont on se gargarise pour l'heure, mais peu importe: l'islam est à nos portes. Le jour n'est peut-être pas éloigné où nous aurons besoin de la force armée pour le tenir en échec. Et alors? Nos troupes seront-elles toujours, psychologiquement et au niveau de l'équipement, aptes à faire face à des menaces de type conventionnelles ou terroristes? Faudra-t-il une nouvelle évolution, couplée avec une autre conception des mentalités et un rééquipement? Pourra-t-on réaliser cela en temps utile?

Il est en outre bien entendu que l'assistance de la défense en cas de catastrophes sur notre territoire doit demeurer à l'ordre du jour. De même que sa participation éventuelle au maintien de l'ordre au cas où les forces de police seraient dépassées ou devenues insuffisantes.

L'expérience acquise au Bénin dans la formation de l'armée de ce pays est certes positive, de même que l'activité de nos démineurs au Laos, où ils font un boulot remarquable et engrangent des enseignements extrêmement positifs.

Mais il faut tout de même songer à ne pas trop se disperser, et surtout à ne pas entreprendre d'actions qui servent principalement à dorer le blason d'un homme politique envers son électorat!

Difficile d'être soldat de nos jours!

Sévignac

 

communiqué de presse

(Bastion n°69 de mars 2003)

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