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Le gris et le noir

 

Ce mois-ci, j’étais en peine de trouver un sujet d’article qui me passionne autant que l’hommage rendu, le mois dernier, à Brel. J’avais, d’abord songé, à une analyse critique de l’œuvre de Jacques Dutronc. Le sujet m’avait été, en partie, suggéré par la chanson Vezoul, dans laquelle Brel chante : « Tu as voulu voir Dutronc et on est allé voir Dutronc ». De surcroît, l’artiste français sort cette année un nouvel album et fête son soixantième anniversaire.

Je souhaitais, aussi, écrire sur une personnalité vivante afin de ne pas me cantonner à l’évocation nostalgique des glorieux défunts. A priori, Dutronc était le bon candidat. N’avait-il pas été qualifié de fasciste, parce qu’il avait chanté, en mai 1968, L’opportuniste ?

Hélas, en disséquant sa carrière, je me suis aperçu qu’il avait mis beaucoup d’eau trouble dans le vin de son inspiration et que ces dernières années avaient été employées à se construire une image plus conforme aux canons de la pensée unique.

Le plus grave, c’est qu’il y soit parvenu. Quelques rythmes de tam-tam, des paroles scatophiles et un manifeste antiraciste (Moi, l’noud), auront finalement permis au chanteur français de se refaire une virginité médiatique.

Au fond, Dutronc a perdu ses racines. Il est peut-être devenu ce qu’il raillait autrefois : « Je suis pour le communisme. Je suis pour le socialisme. Et pour le capitalisme, parce que je suis opportuniste. Il y en a qui contestent, qui revendiquent et qui protestent. Moi je ne fais qu'un seul geste. Je retourne ma veste… Toujours du bon coté. Je n'ai pas peur des profiteurs. Ni même des agitateurs. J'fais confiance aux électeurs. Et j'en profite pour faire mon beurre. »

Hélas, l’opportunisme de naguère est devenu, aujourd’hui, un super-conformisme que nul chanteur n’oserait plus moquer.

            Privé de Dutronc, je m’envolais vers les Etats-Unis à la recherche d’un sujet de substitution. Arrivé sur place, je fus immédiatement plongé dans la campagne électorale de Californie. La Providence venait à mon secours. J’étais à une semaine du vote. Avant de les relater dans le Bastion, j’avais tout le temps nécessaire pour observer les mœurs politiques en vigueur chez l’Oncle Sam.

            Pour être Franc, je dois dire que le candidat Schwarzenegger m’est apparu, d’emblée, plus sympathique que son pâle concurrent, le gouverneur Gray Davis.

Le duel Gris-Noir[1] promettait d’être animé, je ne fus pas déçu. Toutefois, avant d’évoquer son contenu, je reviendrais, en quelques mots, sur la carrière cinématographique et la personnalité de Schwarzenegger.

La première fois que je le vis à l’écran, c’était dans Conan le Barbare. Si ma mémoire est bonne, c’était en 1982. Je consacrai, alors, mes lectures à la philosophie nietzschéenne et à la mythologie de l’ancienne Europe.

Pour cette raison, le film ne pouvait que me plaire. Je m’en souviens, encore, comme d’un mélange assez kitsch de mythes nordiques où transpiraient les allusions à Odin, aux Valkyries et au serpent Jormungand, celui qui provoque le Ragnarok (le crépuscule des dieux). 

            C’était, après l’Excalibur de John Boorman, une nouvelle tentative du cinéma hollywoodien d’exploiter nos légendes héroïques. Il me semble aussi me rappeler que la première image du générique était une citation tirée de la pensée du grand Friedrich : « Ce qui ne nous tue pas nous renforce ». Il est certain que ce genre de référence ne doit pas beaucoup plaire à tous ceux qui nous affaiblissent et nous tuent à petit-feu.

A cette époque, la force de conviction du robuste Schwartzy était, surtout, musculaire. J’ignorais, alors, qu’il était aussi un homme doté de toutes les lumières de l’intelligence formelle, diplômé de l’Université de Vienne. Dans les années suivantes, l’acteur cultivera les rôles de héros qui sauvent le monde. Il reviendra, une fois, sous les traits de Conan – le destructeur -, puis s’élancera vers la gloire sous les traits de l’homme-robot, le Terminator.

Le premier Terminator est une exception à la ligne cinématographique de l’acteur. En effet, il y incarne une machine tueuse venue du futur pour liquider celui qui sera le chef de la résistance[2]. Quoi qu’il en soit, la série des Terminators a fortement marqué la carrière de l’acteur au point qu’il lui doit l’essentiel de sa renommée. Force est d’admettre, qu’elle fut pour le genre de la science-fiction une véritable révolution visuelle, comparable à celle opérée par la Guerre des étoiles. Il faut ajouter que, malgré trois épisodes, le genre des Terminators a su se renouveler. Le dernier épisode en date ne démérite pas des deux précédents. Et je suis, personnellement, reconnaissant à l’acteur d’avoir introduit, dans la saga, une Terminatrice à la mine déterminée et avenante, qui nous change du modèle physique féminin promu par le cinéma européen.

Pour conclure sur la carrière cinématographique de Schwartzy, on signalera son rôle dans True lies,  dont le titre en français aurait pu être Islamophobia. Heureusement pour les spectateurs belges, le film est sorti avant le concept du même nom. Il n’a donc pas pu être censuré par les critiques et l’on a pu y découvrir, bien avant les attentats du 11 septembre 2001, le vrai visage du terrorisme islamiste.

Parallèlement à Hollywood, l’acteur a conduit une brillante carrière d’homme d’affaires dans l’immobilier. Aussi, dans un pays où l’on valorise l’entrepreneur, Schwarzenegger a naturellement été amené à envisager de se lancer dans la politique. Son mariage avec Maria Shriver, nièce du Président Kennedy, l’a certainement conforté dans cette voie. 

C’est à ce moment de son développement personnel, que le peuple de Californie a décidé de renvoyer l’incompétent Gray Davis de son poste de gouverneur. Cette procédure de renvoi (recall) est possible aux Etats-Unis. Elle s’exerce par la voie de la pétition. Si un nombre suffisant de signatures est réuni, le gouverneur en charge doit revenir devant ses électeurs. S’il y a une majorité de voix en faveur du renvoi, il est démissionné d’office. Parallèlement, les électeurs votent pour de nouveaux candidats pour remplacer le démissionné.

C’était la première fois dans l’histoire de la Californie et la seconde dans celle des Etats-Unis qu’un gouverneur devait faire face à une telle procédure. Il faut dire que Davis s’était surpassé dans la mauvaise gestion. Arrivé au pouvoir, en 1998, avec un excédent budgétaire de 10 milliards de dollars, il le quitte avec un déficit de 10 milliards. En quatre ans, il a littéralement ruiné la sixième économie du monde en pratiquant une politique de sur-réglementation sociale et environnementale qui a conduit à une démotivation générale et à une crise énergétique sans précédent. L’augmentation rapide des impôts a, également, suscité la délocalisation de nombreuses entreprises vers d’autres Etats entraînant une montée rapide du chômage. Parallèlement, Davis encourageait l’entrée massive d’immigrants mexicains afin d’augmenter le mécontentement social – exploité en tous lieux par la gauche - et de créer un nouveau prolétariat justifiant l’intervention croissante de l’Etat.

On comprendra qu’avec un tel bilan, Davis ait immédiatement bénéficié de la sympathie de nos gouvernants et de nos médias. N’a-t-il pas mené, au fond, la même politique que celle  que nous subissions depuis plus de trente ans ? L’analogie est saisissante. Elle va au-delà de l’irréalisme économique de Davis. Elle embrasse les pratiques de basse-politique dont ce genre d’individus est coutumier. Ne pouvant combattre Schwarzenegger sur la base de son programme [très simple au demeurant : réduire les impôts, mettre un terme au déficit budgétaire, fermer les frontières aux immigrants illégaux], il n’a trouvé d’autres ressources que celle de le dénigrer.

Les premières attaques ont commencé sur l’attitude sexuelle de l’ancien Monsieur Univers. Plusieurs supportrices de Davis ont accusé Schwarzenegger d’avoir eu la main baladeuse, dans les années… 1970. Ces accusations anonymes ont été relayées et martelées par le très démocrate Los Angeles Times. Contrairement à ce qui était attendu, les accusations se sont retournées contre Davis et le journal.

C’est alors que, dans leur dépit, les milieux démocrates ont décidé d’user de la calomnie suprême : l’existence de liens avec le grand Satan hitlérien. C’est ainsi qu’il a été fait état d’une rumeur selon laquelle Schwarzenegger aurait déclaré, 40 ans auparavant dans un entretien privé, sa sympathie pour le funeste autrichien. Le coup était bas, mais bien conçu. Il aurait pu porter, si Schwarzenegger n’avait pas rapidement déclaré qu’il était un antinazi de longue date et qu’il avait contribué, depuis plus de trente ans, au fonds Simon Wiesenthal spécialisé dans la recherche des criminels de guerre.

Ce qu’il y a de plus étonnant dans cette affaire, c’est que ces accusations, sans fondement, persistent en Europe. La dernière en date est celle dite du balai. On soutient dans certains médias belges que Schwarzenegger aurait utilisé la symbolique du balai pour appeler les électeurs à chasser Davis du pouvoir et qu’il aurait trouvé (Horreur ! Malheur !) son inspiration chez Degrelle. Or, j’en suis presque certain, Schwarzenegger ignore jusqu’à l’existence même de Modeste 1er.

Faut-il rappeler, ici, que Schwarzenegger est, à l’origine, un culturiste qui a passé la plupart des années de sa vie à s’entraîner, six heures par jour, dans des salles de musculation et qu’il n’avait aucune inclination à lire les écrits rexistes – d’ailleurs introuvables aux Etats-Unis. En outre, le symbole du balai est, depuis le XIXe siécle, une tradition de la politique américaine. Joel et Ethan Coen le mettent, précisément, en scène dans leur film O brother where art thou ? - dans le passage de l’élection du gouverneur Papy Daniel. Faut-il, accuser les frères Coen de rexisme ? De nazisme larvé ?

En vérité, la nomination de Schwarzenegger plonge notre caste médiatico-politique dans l’effroi. Imaginez que le peuple belge décide un jour, lui aussi, de voter pour un outsider ? Pour un parti qui encourage les valeurs de succès et de liberté ?

Oui, pour le système en place, cela serait vraiment intolérable. Alors on ne s’étonnera pas de cette nouvelle chasse aux sorcières lancée sur fond de balai. Et puisque l’ustensile ménager est redevenu l’artifice du démon, nous jurons devant le tribunal de l’inquisition médiatique de ne jamais l’employer et de lui préférer la lance à incendie dont l’usage sera, dans les prochaines années, bien plus approprié à la situation politique.

 Alexandre Lignières



[1] Gray homophone de Grey gris en anglais = gris. Prénom, remarquablement bien porté par son propriétaire. Tant au moral qu’au physique. Schwarzenegger signifie en allemand « Nègre-noir ».

[2] Peut-être verra-t-on, un jour, au programme de la RTBF un T-MICHEL retourner dans le passé pour liquider Charles Martel.

 

(Bastion n°75 de novembre  2003)

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