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Le retour du roi

 

A nouveau, je m’attendais pour le Retour du Roi aux injures gutturales des Orques médiatiques. Pourtant, cette fois-ci, le tocsin idéologique ne fut pas sonné. Il n’y eut ni allusion à la sacro-sainte période ni à sa propagande. Subitement, Peter Watson ne se confondait plus avec l’affreux petit Docteur Goebbels.

J’en fus, sur le coup, presque inquiet. En effet, plus un film attire la malveillance des bien-culpabilisants, plus il a de chances de mériter notre attention. Ces craintes étaient, également, renforcées par la rumeur selon laquelle le réalisateur aurait coupé certaines scènes pour passer au travers de la critique.

Je me préparais, donc, à voir une œuvre un peu gauchie qui aurait perdu la vitalité du premier élan. Pourtant, rien n’en fut. Comme pour les épisodes précédents, l’émerveillement était au rendez-vous. Je m’interrogeai, alors, sur l’apparente complaisance des médias. A quoi, donc, tenait-elle ?

La réponse n’était pas difficile à trouver. Elle était, tout simplement, dans l’immense succès du Seigneur des Anneaux. Le plébiscite populaire a suspendu, pour un moment, la dictature du politiquement correct. La vague a emporté toute critique sur son passage. Son courant a été si fort que même les petits Orques des médias ne pouvaient s’y opposer sans risquer de s’attirer une profonde animosité, laquelle aurait menacé leur travail de sape subversive. En conséquence, ils ont courbé l’échine, en attendant des films meilleurs où l’on vanterait les tares de la société et où l’on encouragerait l’avilissement collectif.

Quoiqu’il en soit, leur défaite, aussi mince soit-elle, est un signe d’espoir. Elle montre qu’un phénomène culturel peut renverser, du jour au lendemain, le système en place. Ce que nous enseigne également le succès de la saga de Watson, c’est qu’il demeure chez tous les peuples de souche européenne un imaginaire commun. En effet, les trois films ont suscité le même enthousiasme en Nouvelle-Zélande, son pays d’origine, aux Etats-Unis, en Russie et en Europe. Leur succès tient à l’image qu’ils renvoient de ce qui est notre véritable monde. En l’occurrence, celui des Celtes des Germains et des Slaves.

Par la magie du cinéma, Watson nous offre la vision de l’unité spirituelle des peuples indo-européens, perdue au fil de leurs migrations et de l’éclatement de leur langue commune. D’une certaine manière, il nous donne une machine ‘’dumézilienne’’ à remonter le temps vers l’unité.  Il nous re-présente un univers qui fut le nôtre, jusqu’à la fin du Moyen Age. Celui-ci était caractérisé par ce que l’on appelle la trilogie fonctionnelle, basée sur la figure du prêtre, symbolisant le sacré (Gandalf), le guerrier incarnant la force protectrice (Aragorn) et le cultivateur-marchand (les Hobbits), la fonction productrice. De là vient, sans doute, cette impression que le monde du Retour du Roi nous est si familier. Il est celui de nos valeurs éternelles dont le maître-mot est l’honneur.

En ces temps de déréliction, il est singulièrement courageux de la part de Watson d’avoir centré son dernier film sur cette valeur de notre patrimoine moral. Il est vrai que le temps de l’action s’y prête particulièrement.  En effet, avec le Retour du Roi, le moment est venu de l’affrontement final avec les forces du mal de Sauron. Chacun va rencontrer son destin et il n’est de place ni pour le doute ni pour la lâcheté.

Plusieurs scènes se distinguent de ce point de vue. D’abord, celle du banquet où le roi Théoden invite ses compagnons d’armes à lever leur coupe en l’honneur de ceux tombés à la bataille du gouffre de Helm. Ceux-ci se redressent, alors, comme un seul homme, et poussent un ‘’GLOIRE !!!’’ à ébranler les âmes les plus endormies.

Ce qui est rappelé, ici, c’est que la mémoire de ceux qui sont morts pour la patrie ne doit jamais être oubliée. Sans eux, notre civilisation ne serait pas et nous pourrions être ce que nous sommes. Chaque génération doit honorer sa dette envers les précédentes, sous peine de sombrer rapidement dans le néant historique. Les Grecs de l’antiquité le savaient bien qui bâtissaient des temples voués au culte des héros morts pour la Cité – les heroiôn. Intuitivement, ils avaient compris le principe énoncé par Nietzsche selon lequel l’avenir appartient, toujours, aux peuples qui ont la mémoire la plus longue.

On conçoit que ce genre de message donne de l’urticaire à la nomenklatura qui nous dirige, puisqu’elle assoit son pouvoir de nuisance sur l’abolition de l’histoire et des valeurs héroïques. Allant même, dans sa boulimie destructrice, jusqu’à inciter la défection en temps de guerre, par l’abolition de la peine de mort pour les déserteurs.

 Une deuxième leçon de valeurs nous est donnée par le Retour du Roi au moment où Aragorn doit s’engager, seul, dans la montagne des morts et quitter le camp de Théoden à la veille de la bataille de Minas Tirith.  Certains cavaliers s’inquiètent de ce départ. Ils y voient l’annonce d’une défaite certaine. Théoden les interpelle. Il leur rappelle qu’ils ne se battent pas pour la victoire mais par devoir. Cette vision stoïcienne est extraordinairement juste. Elle nous indique que le devoir n’obéit pas à une pure fonction utilitariste. Il est des moments tragiques, dans le destin des nations, où chacun doit accepter l’idée de la mort individuelle pour sauver le groupe auquel il appartient. Il est évident que si chacun refusait, dans ces circonstances, de se battre dans le vil espoir de sauver son existence, cela signifierait la mort collective et, in fine, la mort individuelle de toute manière.

On touche là au cœur de la notion d’honneur qui est de placer la survie de son groupe au-dessus de toute considération personnelle. Ceci rejoint une autre idée stoïcienne selon laquelle on peut, même dans la mort, demeurer invaincu. Ce qui demeure invaincu, c’est la forme de vie à laquelle nous appartenons et non notre existence éphémère.

 Toutefois, il ne faudrait pas interpréter ce principe d’honneur comme une variante de l’orientalisme politique par lequel l’individu est réduit au rang d’insecte social, de fourmi. Dans la culture occidentale, la soumission au groupe est contrebalancée par le principe de liberté. C’est parce que le groupe auquel j’appartiens fait de moi un Citoyen Libre que j’accepte de le servir. Et, parce que je suis un Citoyen Libre, la mort m’est préférable à l’asservissement.

Il faut ajouter que cette dimension horizontale de l’honneur - le service dû à notre communauté - est doublée, dans la tradition aristocratique européenne, par une dimension verticale :  le respect de la volonté des ancêtres. A la fin de la bataille de Minas Tirith, le roi Théoden mourant déclare qu’il peut comparaître, l’âme sereine, devant ses ancêtres. Il n’a failli ni à leur nom ni à leur volonté. Ces paroles nous indiquent, également, que l’individu ne résulte pas d’un pur hasard mais de la volonté des générations précédentes. Il est essentiellement le produit d’une histoire et d’une lignée qu’il ne peut renier sans se renier lui-même. Ainsi, chaque individu se doit de respecter la volonté intemporelle de ses ancêtres, sous peine de ne plus être.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la société ‘’multi-multi’’[1] que l’on nous prépare est loin d’obéir à cette volonté. Son projet politique nous déshonore. Il détruit notre passé afin de nous enchaîner dans les illusions du présent. En cela, il néantise notre personnalité. Son principe n’est ni l’honneur ni la vertu, mais l’ignominie.

Soyons reconnaissants à Peter Watson de nous faire ressouvenir d’un temps où l’honneur fondait la société. Et parce que ce temps est foncièrement celui des Européens, il pourrait bien revenir. Avis aux Orques !!! Pour ces raisons, on verra ou reverra le Retour du Roi les yeux… grands ouverts.

Alexandre Lignières

 


[1] Multiethnique et multiculturelle.

 

 

(Bastion n°78 de février 2004)

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