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RACISME

Rentrée depuis quelques années d'Afrique noire, après avoir vécu dans divers pays du continent, je ne peux que m'indigner lorsque je constate avec quelle dangereuse naïveté les européens se font berner sur le sujet du racisme. Le sujet est mis « à toute les sauces », devient raciste toute personne osant exprimer une opinion sur un non-européen, à tel point que l’on pourrait parfois se demander dans quel pays et sur quel continent nous vivons. Le racisme je l'ai rencontré, vécu, affronté, subi durant des années et si, constatant l'invasion de notre continent à mon retour ma première pensée a été "pas ça chez nous!" je savais de quoi je parlais.

Ici, au moindre mot déplacé, on risque d'être poursuivi, là-bas le racisme est enseigné dès l’école primaire comme n'importe quelle matière destinée à construire l'esprit des enfants : « Le blanc a l'argent, il doit payer, tout le temps, le blanc est en Afrique pour construire des villes, des routes, des usines, il doit travailler pour les africains, si quelque chose ne fonctionne pas c'est la faute du blanc, le blanc sent le cadavre, mange de la m..., est faible, peureux, crédule, il a apporté le sida en Afrique, etc.. » et je vous épargne ce qui n'est décemment pas répétable ! Si vous vous faites agresser, insulter dans la rue et, là-bas, les rues grouillent constamment de monde, personne ne vous viendra en aide et ceux qui assisteront à la scène, s'ils ne s'allient pas à celui ou ceux qui s'en seront pris à vous, riront de votre colère et de votre frayeur, vous ne devrez votre salut qu'à la fuite. Et que l'idée ne vous vienne pas de vous plaindre, il vous en cuirait : être blanc, c'est avoir tort ! Les pires insultes sur les noirs, c'est d'eux-mêmes que je les tiens, parce que si, pour nous, un homme de couleur est simplement un homme de couleur, là-bas il est impératif, lorsque vous parlez d'une personne, non seulement de signaler son ethnie mais également de pouvoir dire dans quelle gamme de noir se situe la couleur de sa peau ; et...tant pis pour celui dont la carnation rappelle l'ébène, le sombre n'a pas vraiment la cote, c'est le moins que l'on puisse dire.

Je vous assure que la première fois que les africains auxquels je m'adressais m'ont demandé de préciser à quel point une personne que j'expliquais avoir rencontrée était noire, je me suis demandée quelle blague on me faisait... et j'ai du intégrer rapidement des notions que je n'aurais pas imaginées et qui, de surcroît, me choquaient, après que l'on m'eut expliqué que la considération que l'on pouvait apporter à une personne était aussi fonction de sa couleur de peau. Vous commencez à comprendre pourquoi entendre parler de racisme en Europe m'horripile? Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi de pauvres gens, surtout des femmes – mais pas uniquement, loin de là – dépensent des fortunes et mettent leur vie en péril pour avoir la peau plus claire? Il vous était confortable de penser que seules des considérations esthétiques entraient en ligne de compte, mais vous devez ouvrir les yeux sur la réalité.

Vous allez peut-être me dire que renvoyer chez eux des gens qui subissent une telle ségrégation, même s'ils ne sont venus chez nous frauduleusement, avec le mépris qu'ils nous portent et dans l'unique but de profiter de l'argent qu'ils espèrent tirer de nous serait inhumain. Il faut donc que je vous explique comment se passent les choses lorsqu'un africain est pris sans papiers, dans la plupart des pays d'Afrique. Plus question alors ni d'avocat ni d'avion pour le retour au pays. Les contrevenants sont arrêtés, rackettés jusqu'au moindre centime, jetés dans un commissariat insalubre, où ils sont tabassés. On n'entendra plus jamais parler de certains et ceux qui survivent sont entassés dans un camion, déposés, dévêtus et sans une goutte d'eau à une frontière, la plus risquée du pays de préférence. Seuls les plus résistants et surtout ceux qui ont la chance d'avoir des contacts qui peuvent leur envoyer du secours s'en sortiront. J'ai eu connaissance de la méthode en sauvant certains rescapés, que je connaissais.

Personne ne parle jamais de ces choses-là, il est tellement plus facile de crier au scandale, d'ameuter les pauvres naïfs que nous sommes prêts à se mobiliser pour une cause médiatisée, que de traiter les problèmes, là où ils se posent vraiment! Mesdames et Messieurs, qui consacrez votre existence à examiner le moindre de nos propos, de nos gestes pour y déceler l’incident, qui vous fournirait votre raison d’être et justifierait les subsides que vous recevez, allez donc voir à la source du problème. Ce sont ceux qui sont là-bas qui ont besoin de vous ! Ne soyez plus complices des jérémiades de ceux qui ont compris comment abuser de vous. Et armez-vous de courage : à votre retour, vous saurez pourquoi je ne veux pas qu’un jour, en Europe, on nous fasse descendre d’un avion parce qu’un al hadji (un musulman qui a fait le pèlerinage à La Mecque) a décidé de voyager avec ses troupeaux et qu’il faut lui laisser la place. Quand vous connaîtrez la sensation des gouttes de sueur qui dégoulinent au long de votre dos, parce que, tout à coup, quelqu’un a suggéré que vous pourriez être israélite (je ne le suis pas et quand bien même… !). Quand vous aurez vu disparaître d’autres blancs autour de vous, victimes d’un « fou », ou « suicidés » (les autopsies sont interdites et les dépouilles sont renvoyées au familles dans des cercueils de plomb scellés), que votre mémoire restera imprégnée des images d’un corps découpé devant vous à la machette, du sang et des morceaux de chair qui auront maculé vos mains, votre visage, vos vêtements. Quand vous pourrez dire ce qu’est un interrogatoire « musclé », au cours duquel vous n’aviez bien évidemment rien à dire. Quand nous pourrons parler de ce que l’on ressent quand on vous écrase le visage contre un cadavre carbonisé à moitié décomposé (quand se débarrasser d’un blanc est trop compliqué ou risqué on le fait accuser d’espionnage, c’est simple, radical et tout devient permis). Alors, ce jour-là, nous aurons les mêmes cauchemars, mais aussi le même rêve, celui d’un pays de liberté, de démocratie, qui sait apporter à ses citoyens le soutien et la protection qu’ils sont en droit d’en attendre. Pas plus que moi vous ne serez devenus raciste, mais serez enfin réaliste.

K.A. Liège

 

(Bastion n°80 d'avril 2004)

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