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Longue vie au petit mamamouchi

Par Charles Magne

 

Chers et fidèles lecteurs, l’actualité de ce mois m’oblige à revenir sur la question existentielle de la candidature ottomane à l’Union européenne. Effectivement, dans l’esprit de nos dirigeants, tout serait joué d’avance. Il serait, ainsi, acquis que le Conseil Européen du 17 décembre prochain se prononcera en faveur des négociations pour l’entrée de la Turquie dans l’Union. Certes, quelques rares peuples européens seront ultérieurement consultés, par voie référendaire, sur l’avenir de leur civilisation. Mais, la médiacratie leur enseigne déjà que le seul choix politiquement correct est celui de conférer à l’Union le statut de petit mamamouchi, vassale du Grand Turc Erdogan 1er, futur commandeur des islamophiles unifiés.

Car il ne faut pas en douter, une fois que l’Europe aura adhéré à la Turquie, elle ne sera plus qu’un petit mamamouchi. Ou, selon le mot forgé par Molière[1], sur l’arabe mà menou schi,  une non chose bonne. Ou, si l’on préfère, une chose bonne à rien. Je sais qu’en disant cela j’ai plus de chance de devenir la tête de Turc de la police de la pensée qu’un Turc de profession[2] de la nouvelle dhimmitude. Mais qu’importent les futures persécutions, mon devoir est de défendre la droite raison  contre l’obscurantisme des temps présents.

Toutefois, il n’est pas utile de revenir, ici, sur les arguments géographiques déjà avancés, dans ces colonnes, contre la candidature ottomane. En effet, malgré une propagande orwellienne de tous les instants, nos concitoyens n’arrivent pas (…encore) à situer la Turquie en Europe. Pire, de nombreux sondages montrent qu’ils sont majoritairement ottomanophobes. Et que si on leur laissait la parole, ils refuseraient tout net l’ouverture des négociations. Le propos de cet article n’est donc pas de convaincre une opinion publique déjà convaincue. Il est de permettre l’ouverture du débat en Gaule Belgique, où l’absence de démocratie réelle empêche nos concitoyens de s’exprimer librement sur le sujet.

Pour une fois, on remarquera le contraste entre la Belgique et la France, où la perspective d’un referendum force une partie de l’establishment politique français à tenir compte de l’opinion des électeurs. Ainsi, fait sans précédent dans l’histoire politique récente de ce pays, le parti de Ben Chirac, l’U.M.P.[3] a pris officiellement position contre son émir fondateur et l’adhésion de la Turquie. Certains députés U.M.P associés à ceux de l’U.D.F. et même à ceux du parti socialiste ont exigé un débat suivi d’un vote à l’Assemblée Nationale sur la question turque. Certes, ce vote leur a été refusé par le Gouvernement, au prétexte qu’il ne fallait pas désespérer la Turquie, mais leur demande prouve que le système politique français reste plus ouvert que notre pseudo-démocratie.

Chez nous, il n’y a ni sondage, ni débat. Néanmoins, il n’y a pas de raison d’imaginer que l’opinion des Belges diffère beaucoup de celle des Français qui sont à 75% contre l’adhésion de la turquie. Un bon moyen de s’en assurer serait de procéder à une consultation populaire, comme celle du 12 mars 1950 sur le retour du roi, puisque le referendum est interdit par notre constitution.

Nous mettons d’ailleurs solennellement au défit les pseudo-démocrates du gouvernement de solliciter l’avis du peuple sur la question turque. Hélas, nous ne nous faisons aucune illusion. Dans cette affaire comme dans bien d’autres, notre establishment politique décidera en fonction de son seul intérêt. L’affaire ‘’Simonis’’ a, d’ailleurs, révélé la manière dont notre caste gouvernementale le comprend désormais. En quelques mots, il consiste à importer des masses d’allogènes allocataires qui suscitent le mécontentement des contribuables autochtones. Lorsque ce mécontentement se traduit en discours politique, il est criminalisé de telle manière à capter le vote des allogènes naturalisés et celui des autochtones culpabilisés. Ainsi, il devient évident que quelques centaines de milliers de Turcs supplémentaires feraient un excellent carburant électoral et idéologique pour les partis traditionnels.

Cette fuite en avant du système, dans l’importation d’électeurs captifs, n’est pas une exclusivité belge. Ainsi, le journal français Le Monde nous dévoile dans une enquête[4], de son crû, l’avis très révélateur d’un Ottoman, fraîchement naturalisé Français, sur la politique de son pays d’accueil et l’adhésion de la Turquie : « Muharrem Koç est partagé. Ce travailleur social de 36 ans, dont vingt et un passés en France, s’il se réjouit de sa toute récente naturalisation française , s’inquiète tout autant de la teneur du débat sur l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. ‘’J’ai franchi le pas le 21 avril 2002 quand j’ai appris que Le Pen était au second tour. J’ai alors décidé de demander ma naturalisation, car j’ai compris à quel point j’étais intégré à la société française et que je devais me battre en son sein pour défendre certaines valeurs’’ raconte-t-il avant d’expliquer pourquoi les discussions sur la Turquie et l’Europe lui font peur. ‘’Que l’extrême droite tienne un discours nationaliste, quoi de plus normal, mais quand ce sont des personnes que l’on assimile au courant républicain, il y a de quoi s’alarmer. »

Sous l’apparent conformisme idéologique de cet article, il faut en saisir toute l’ambiguïté. Son introduction est à elle seule une indication que même le camp de la bien-décadence française commence à frémir à l’idée des conséquences de l’adhésion de la Turquie : « Figés dans leur désir de ne rien perdre de leur culture, les 400.000 Turcs de France ne sont pas tous adaptés au mode de vie. Pourtant ils souhaitent l’adhésion de leur pays d’origine à l’UE. ».

Autrement dit, il n’y aurait de la part de cette communauté turque ni volonté d’assimilation ni même désir d’adaptation. C’est en tout cas [Messieurs les censeurs] ce que dit Le Monde. On peut donc supposer, selon cette enquête, que si la communauté turque vivant en France souhaite l’adhésion de son pays d’origine à l’Union, c’est pour étendre son influence religieuse et culturelle en Gaule méridionale et non pour s’occidentaliser.

Ceci démontre toute l’inanité de l’argument selon lequel cela serait un devoir historique pour l’Europe d’accueillir la Turquie afin de séculariser l’islam… La question se pose, alors, de savoir comment nous pourrions réussir à séculariser un pays, de bientôt quatre-vingt millions d’habitants, alors que nous avons lamentablement échoué au niveau de communautés de quelques centaines de milliers d’individus vivant, de surcroît, à notre contact ?

 Pourtant, l’argument de la sécularisation de l’islam demeure l’argument massue, sans cesse asséné, pour justifier l’adhésion. Or, il faut insister, cette incantation n’est pas un argument. C’est une pure ineptie. La vérité est que l’on pourrait aboutir, après l’adhésion de la Turquie, au résultat contraire : soit à l’islamisation de l’Europe par l’arrivée massive de Turcs plus turcs que Turcs[5] et à la réislamisation de la Turquie par le transfert intégral des pouvoirs aux islamistes d’Ankara, aujourd’hui freinés dans leur projet d’islamisation de la société par l’armée, seule force organisée vraiment attachée à la laïcité. En outre, Samuel Huntington nous met en garde contre les entreprises d’occidentalisation des nations musulmanes. Celles-ci ne sont pas sans danger. Cette occidentalisation risque de conduire à de violentes réactions du corps social musulman, s’il se sent menacé dans son identité. Huntington illustre ce risque par une analyse détaillée des ressorts de la révolution iranienne. Il pourrait y ajouter, désormais, l’intervention de l’oncle Sam en Irak qui favorise la réislamisation d’un pays naguère laïcisé par la dictature baasiste.

On peut même se demander, si la Turquie n’est pas déjà engagée dans une phase de réislamisation suscitée par le processus de convergence politique imposé par l’Union Européenne. En tout cas, c’est un fait que depuis que l’Union exige de la Turquie de se plier aux critères politiques fixés pour l’adhésion, les partis islamistes ne cessent de gagner en voix et en influence. Devant ce paradoxe, de méchantes langues diraient qu’à défaut de Bruxelliser Ankara, nous pourrions la Molembeekiser. Mais, adeptes du beau langage nous ne ferons pas nôtre ces néologismes qui sentent le soufre de la sociologie et nous rapprochent des bûchers de l’inquisition judiciaire et médiatique.

Quoi qu’il en soit, l’idée que le processus d’adhésion pourrait accélérer l’islamisation de la Turquie éclaire d’un nouveau jour les manœuvres du rusé Erdogan. Car qui pourrait sérieusement croire à la volonté d’un islamiste patenté de laïciser son pays ? Un individu qu’il y a quelques semaines encore suscitait le scandale, dans son pays, en essayant d’imposer la présence de sa femme voilée aux réceptions officielles. En violation flagrante du protocole laïc de la Turquie !

A ce propos, on se permettra une digression en remarquant que les mêmes députés européens qui se sont déclaré profondément ‘’choqués’’ par les déclarations un tantinet conservatrices du candidat commissaire Buttiglione – notamment sur le rôle de la femme dans la famille - ont acclamé le Grand Turc Erdogan 1er, adepte du voiles en avant (pour) toutes. Comme quoi, l’islamophilie ambiante conduit à une schizophrénie totale du discours de nos élites, caractéristique d’une altération grave de leurs structures mentales.

Il est vrai que lors de sa visite au Parlement Européen, Erdogan 1er a su trouver les mots justes pour impressionner les islamophiles de l’hémicycle. Bille en tête, il a vigoureusement attaqué les pays qui ont affiché leur intention de consulter leur population sur la candidature de la Turquie, les accusant de pratiquer une discrimination injuste entre nations – en référence au dernier élargissement où l’on a pas demandé aux contribuables de l’Ouest de se prononcer sur l’adhésion des futurs allocataires de l’Est. D’une manière tout aussi civile, il a reproché aux tenants du referendum d’être, en substance, une bande d’hypocrites qui n’osent pas afficher publiquement leur hostilité à l’entrée d’un pays musulman dans l’Union. Les experts en communication apprécieront la dialectique de la culpabilisation et l’art de fermer le débat…

Parallèlement à l’argument de la sécularisation, la RTBF a essayé d’apporter sa propre contribution à l’irréversibilité de l’adhésion turque en lançant sur ses ondes (dans la journée du 6 octobre) un second argument jusque là inouï dans les hautes sphères de l’eurocratie. Selon les dires des docteurs en turcologie, invités pour la circonstance, c’est à tort que le bon peuple de souche redoute l’arrivée massive d’asiates turcophones après l’adhésion. Au contraire, on devrait assister à un reflux des communautés turques déjà installées dans le royaume. Car, paraît-il, la prospérité de la Turquie sera telle, après l’adhésion, que les Turcs vivant en Belgique retourneront spontanément chez eux.

Entre nous, il y a bien longtemps que je n’ai rien entendu d’aussi drôle de la part de nos médias. Qui peut, sans rire, imaginer que l’adhésion transformera l’un des pays les plus corrompus de la planète [selon le classement de l’ONG Transparency International] en eldorado proche oriental ? Même la très ottomanophile Commission Européenne n’y croit pas. La preuve ? C’est qu’avant de rendre son avis favorable à l’adhésion, le six octobre dernier, elle s’est bien gardée de conduire la moindre étude sur les conséquences de ce nouvel élargissement. Critiquée pour la légèreté de son avis, la Commission Prodi s’est défendue en répliquant que compte tenu des avantages économiques qu’allait procurer l’adhésion de la Turquie : l’Europe devrait supplier les Turcs d’entrer. Ainsi, le Basileus Constantin XI aurait-il dû, en 1453, supplier le Sultan Mehmet II d’entrer dans sa ville… Peut-être ses concitoyens y auraient-ils gagnés quelques avantages en hâtant leur soumission, plutôt que de s’y opposer les armes à la main.

On peut toutefois avoir des doutes légitimes sur la capacité de nos gouvernants à transformer la Turquie en pays de cocagne. Surtout, lorsqu’on voit ce qu’ils ont fait de l’économie belge ces trente dernières années. Ce n’est pas non plus demain la veille qu’on verra les Ottomans de Bruxelles, d’Anvers et d’ailleurs prendre le chemin du retour. Même en acceptant l’hypothèse que l’enrichissement de leur pays d’origine puisse susciter une inversion des flux, il faudrait attendre presque trois-quarts de siècle avant que le PNB de la Turquie dépasse celui de la Belgique[6] et leur donne l’envie de rentrer au pays. Or, ces quarante dernières années le nombre de Turcs vivant dans notre bon royaume a été multiplié par 1000. Inutile de tracer, ici, des courbes pour comprendre que fatalement leur nombre continuera à croître irrémédiablement, tant que l’on ne fermera pas nos frontières.

Pour conclure cet article, je voudrais mettre en lumière deux éléments d’appréciation historique de la candidature ottomane que la Commission Prodi, le Parlement Européen et nos gouvernants ont volontairement passé sous silence ces dernières semaines. Sans remonter à la prise de Constantinople, l’occupation des Balkans ou le siège de Vienne de 1683, il faut admettre que tous les différends historiques avec la Turquie sont loin d’être réglés. L’un de ceux-ci est celui du génocide arménien. Or, chacun doit savoir que l’Etat turc refuse d’en reconnaître l’existence, ce qui a fait dire à un député français [Cité par le journal Le Figaro du 15 octobre] « Aurions-nous fait l’Europe avec une Allemagne qui aurait nié la Shoah. L’Etat turc continue de nier le génocide de près de deux millions d’Arméniens. Existe-t-il une hiérarchie dans les génocides ? ». Manifestement, il faut le penser, puisqu’au terme d’une résolution du Parlement Européen de 1987, celui-ci demandait à la Commission Européenne de ne pas négocier avec la Turquie tant qu’elle ne reconnaîtrait pas le génocide. Or, Ankara n’a pas fait la moindre concession depuis… Et, le Parlement Européen pousse maintenant à la négociation.

Plus grave encore : en 1974 la Turquie envahissait l’Etat souverain de Chypre. Exactement comme l’Irak a envahi le Koweït. Depuis, l’île est devenue membre de l’Union. En clair, cela signifie que la Turquie occupe militairement une partie du territoire de ladite Union. Or que fait cette dernière ? Elle supplie l’envahisseur de bien vouloir négocier avec elle.

Certains janissaires médiatiques rêvent, peut-être, de voir se lever, bientôt, dans le rouge de notre drapeau un quartier de lune et une étoile d’argent. Mais, que nos frères et sœurs en Belgitude se rassurent, la Turquie sera, le rempart de la réalité sur lequel l’utopie multi-multi viendra se briser.

 



[1] Dans Le bourgeois gentilhomme, Acte IV scène VI.

[2] A Istanbul on appelait ‘’Turcs de profession’’ les non-musulmans qui faisaient semblant de l’être pour éviter de payer l’impôt dû par les dimis.

[3] Surnommé l’Union des Moutons de Panurge, par nos cousins méridionaux.

[4] Journal le Monde, « Plus Turcs que Turcs », 15 octobre 2004.

[5] Pour reprendre l’expression du monde.

[6] Si l’on suppose leur différentiel de taux de croissance constant. Le PNB par tête de Turc est, actuellement, inférieur au quart du PNB par tête de Belge.

 

 

 

(Bastion n°84 de novembre 2004)

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