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La ferme des animaux

  Par Charles Magne

 

Orwell est surtout connu pour 1984. Pourtant, il est un autre ouvrage, de cet auteur, que l’on doit lire si l’on veut saisir toute l’ampleur de sa critique du totalitarisme. Il s’agit de La ferme des animaux. Ce roman publié, pour la première fois en 1945, sous le nom d’Eric Blair – le véritable patronyme d’Orwell - est une utopie à l’humour grinçant.

Ce qu’il y a de remarquable, dans cette fable animalière, c’est qu’elle parvient à décrire, en peu de pages, la genèse du communisme soviétique et les inévitables dérives du communisme. La ferme des animaux se situe dans, l’étude du phénomène totalitaire, avant 1984. Elle est une analyse du processus révolutionnaire et de l’impossibilité de la pensée de gauche à s’incarner dans les faits.

La ferme des animaux a pour cadre une exploitation agricole anglaise, dans laquelle les animaux ont la faculté de parler. Parmi ces animaux, le groupe des cochons se distingue par l’intelligence.

L’un des cochons, surnommé Sage l’Ancien (mélange de Marx et de Lénine), est l’idéologue de service. Le discours de Sage l’Ancien fleure bon le socialisme de tous les temps. Il excite le ressentiment, dans le présent, et promet une vie meilleure dans le futur : « Quelle est donc, camarades, la nature de notre existence ? Regardons les choses en face : nous avons une vie de labeur, une vie de misère, une vie trop brève. Une fois au monde, il nous est donné de quoi survivre et ceux qui ont la force voulue sont astreints au travail jusqu’à ce qu’ils rendent l’âme […] Camarades, est-ce que ce n’est pas clair comme l’eau de roche ? Tous les maux de notre vie sont dus à l’homme, notre tyran. Débarrassons-nous de l’homme et nôtre sera le produit de notre travail. C’est presque du jour au lendemain que nous pourrions devenir libres et riches. »

            Cette analyse, que l’on pourrait aujourd’hui entendre dans la bouche du premier alter-mondialiste venu, se double d’une vision totalement erronée de la nature des êtres. Orwell nous le révèle au travers d’un incident chargé de sens. A l’issue du discours de Sage l’Ancien, quatre gros rats, sortis à l’improviste de leurs trous, sont aperçus et poursuivis par les chiens qui participent à la réunion. Ils ne doivent leur salut qu’à une prompte retraite vers leur tanière. Constatant l’incident, le cochon idéologue invective ses troupes : « ‘’Camarades, il y a une question à trancher. Devons-nous regarder les créatures sauvages, telles que rats et lièvres, comme des alliées ou comme des ennemies ? Que les présents se prononcent sur la motion suivante : Les rats sont-ils nos camarades’’. Derechef on vota et à une écrasante majorité il fut décidé que les rats seraient regardés en camarades. »

            Cet épisode ne vous rappelle-t-il rien ? Cherchez bien et vous trouverez à quel canon idéologique il s’applique aujourd’hui. Mais attention la Police de la pensée n’est pas loin et vous risqueriez un mauvais procès à dire tout haut ce que vous n’avez pas le droit de penser tout bas. Ce qu’il y a de plus savoureux dans cet épisode, c’est que les animaux sauvages n’ont que faire de cette égalité : « La tentative d’apprivoiser les animaux sauvages avorta presque tout de suite. Car, ils ne changèrent pas de conduite, et ils mirent à profit toute velléité généreuse à leur égard.»

            Ici encore, la similitude est frappante avec ce que nous vivons. L’analogie dépasse, d’ailleurs, le cadre de l’assistanat social et de ses nouveaux allocataires. Elle s’étend à la confusion, xénomane et suicidaire, opérée par le système entre les notions d’amis et d’étrangers - même si certains de ces étrangers s’affirment publiquement comme nos ennemis.

            Mais, ceci est une autre histoire qui nous éloigne de la Ferme des animaux. Revenons, donc, à nos moutons. Après son discours fondateur, Sage l’Ancien meurt et la révolution a lieu. Le fermier Jones est renversé. Un triumvirat, composé de trois  jeunes cochons - Napoléon (Staline), Boule de Neige (Trotski) et Brille-Babil (Zinoviev ?) - s’empare des rennes du pouvoir.

            Les trois cochons proclament l’animalisme idéologie officielle. Ils édictent sept commandements, parmi lesquels on trouve : Aucun animal ne dormira dans un lit,  aucun animal ne boira de l’alcool, tous les animaux sont égaux. Une fois aux commandes, les cochons apprennent à lire et assoient leur pouvoir sur leur supériorité intellectuelle. Rapidement, ils détournent la démocratie à leur profit et manipulent les foules bêlantes : « Là se tenait l’assemblée générale… On y établissait le plan de travail de la semaine et adoptait différents résolutions. Celles-ci, les cochons les proposaient toujours. Car si les autres animaux savaient comment on vote, aucune proposition nouvelle ne leur venait à l’esprit. Ainsi, le plus clair des débats était l’affaire de Boule de Neige et de Napoléon. »

             L’absence d’intervention du peuple animalier dans les débats  conduit à la dictature. Progressivement, le cochon Napoléon évince son rival Boule de Neige et instaure un régime de terreur grâce à sa meute de chiens féroces.

La suite du récit reprend, de manière cocasse, certains thèmes de 1984. Notamment : l’abrutissement des masses, la dilution de la mémoire collective et la réécriture permanente de l’histoire. C’est le cochon Brille-Babil qui est chargé de cette tâche. Au fur et à mesure de la transgression des principes de l’animalisme, par les cochons dirigeants, celui-ci réécrit les sept commandements. Ainsi, sous sa plume, deviennent-ils  : Aucun animal ne dormira dans un lit avec des draps. Aucun animal ne boira de l’alcool à l’excès. Et le plus savoureux : Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres.

            Par ce tour de passe-passe, la terreur porcine est assise et les pauvres animaux se retrouvent dans une situation pire que sous le fermier Jones[1].

            Le livre s’achève sur le constat désabusé que les cochons ne sont pas meilleurs que les hommes et que rien ne change en ce bas-monde. Ce constat est, toutefois, riche d’enseignements. Il porte en lui une leçon à laquelle Orwell ne pouvait songer, car il venait lui-même de la gauche.

            Cette leçon est la suivante : le phénomène social s’oppose radicalement à l’égalité parce qu’il génère la division du travail et des connaissances. Il crée des hiérarchies naturelles. Forcer l’égalité, contre la nature humaine, c’est détruire la société. C’est asseoir la plus terrible des dictatures, car le pouvoir ne rencontre plus de limite ; la disparition des particularités individuelles détruisant, en effet, toute faculté de résistance.

Aussi, quand on entend nos politiciens et leurs chiens de garde médiatiques prôner la réalisation de l’égalité des conditions, on voit bien où ils veulent en venir : au pouvoir absolu et à l’asservissement de tous. A nous d’en prendre conscience et de ne pas les laisser transformer le libre Royaume de Belgique en servile basse-cour.

Voir également à propos de George Orwell:

1. Relire Orwell

2. Historiquement correct

3. Orwell et Huxley

 



[1] Lequel sert de figure d’épouvantail. Chaque mesure de privation de liberté est justifiée par le souvenir de son règne (alors que les nouvelles générations ne l’ont pas connu) et la menace de son retour. Là aussi, on notera la similitude avec la propagande permanente de nos médias sur les défunts régimes nazi et fasciste et les risques que feraient peser certains groupuscules d’extrême droite sur la démocratie.

 

(Bastion n°76 de décembre 2003)

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